C’est ce qu’on appelle, en sociologie, une « affaire » ! L’annulation par le Collège de France du colloque « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines », qui devait s’y tenir les 13 et 14 novembre à l’initiative d’Henry Laurens, titulaire de la chaire Histoire contemporaine du monde arabe, suscite d’innombrables remous : aux dénonciations sur les réseaux sociaux et à l’alerte de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) relatives à un colloque jugé anti-israélien et décolonial (Le Point du 7 novembre) fait écho une tribune de plus de 300 universitaires déclarant que cette interdiction « ouvre la voie à une censure institutionnelle » (Le Monde, 11 novembre), tandis que des centaines de chercheurs ont signé une pétition de protestation contre l’annulation et appelant à la démission du ministre du fait que celui-ci, inquiet de la tenue de cet événement, a écrit à l’administrateur du Collège, Thomas Römer.
Ce dernier rappelle dans l’annonce de l’annulation l’indispensable respect de la liberté académique, particulièrement dans cette institution vénérable où chaque enseignant est libre de ses choix. Mais il invoque aussi pour justifier sa décision la « stricte neutralité » que se doit de respecter l’institution ainsi que, en l’espèce, le risque de trouble à l’ordre public.
Qu’on me permette de porter une voix un peu dissonante, à l’appui de la décision prise par l’administrateur. Cette annulation en effet ne constitue pas une atteinte mais, bien au contraire, une protection de ce principe si souvent détourné de son sens qu’est la « liberté académique » et que prétend défendre, par un tour de passe-passe conceptuel, une tribune signée par des professeurs du Collège (Le Monde, 12 novembre). Car la liberté académique ne signifie pas la liberté pour un universitaire de faire ou de dire tout ce qu’il souhaite : elle signifie que sa production scientifique ne peut être soumise à aucun interdit ni aucune pression par des instances extérieures au monde académique. Elle ne vaut donc qu’à condition qu’on ait affaire à de la recherche authentique, pas à du militantisme. C’est là le point aveugle que se refusent à prendre en compte les opposants à l’annulation.
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