Depuis le début des années 2000, les multinationales doivent fournir des preuves de leur comportement responsable en matière sociale et environnementale (responsabilité sociétale des entreprises, RSE), mais le fier affichage de leurs engagements citoyens n’empêche pas beaucoup d’entre elles de continuer à « optimiser » leurs contributions fiscales.
En 2015, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estimait que les budgets publics, à l’échelle du globe, voyaient leur échapper de 4 % à 10 % des recettes liées à l’impôt sur les sociétés à cause de cette évasion fiscale.
La Global Reporting Initiative (GRI), référence internationale pour la communication des entreprises en matière de développement durable, a tenté en 2019 de faire bouger les lignes. Afin d’encourager les multinationales à plus de transparence, elle a publié un référentiel des informations fiscales « attendues par la société civile », affirmant que le paiement des impôts était un enjeu crucial pour atteindre les Objectifs de développement durable fixés en 2015 par l’ONU.
Corruption, blanchiment, évasion fiscale
Un grand progrès ? Nos recherches montrent malheureusement les limites de cette approche de la RSE basée sur la bonne volonté des firmes (« Tax disclosure strategies and reputational risks : An exploration based on the standard GRI 207 », Quentin Arnaud et Sophie Giordano-Spring, Journal of Cleaner Production n° 470, 2024). Nous avons établi notamment que, parmi les cent vingt plus grandes multinationales françaises cotées, celles qui, en 2020, communiquaient le plus dans ce cadre avaient souvent par ailleurs des implantations dans des territoires à très faible fiscalité, et qu’un bon nombre avait été sous le coup d’une accusation de corruption, de blanchiment ou d’évasion fiscale.
En fait, sur les quatorze items inscrits par la Global Reporting Initiative dans son référentiel sur la fiscalité des entreprises (référentiel GRI 207), treize ne permettent pas de comprendre vraiment la réalité des pratiques. Les firmes utilisent ce référentiel pour protéger leur réputation grâce à des narratifs habiles et parviennent à masquer leurs actions problématiques.
Seule une mise en regard des activités réelles des entreprises dans chaque pays et des bénéfices qu’elles y déclarent peut permettre de repérer les manœuvres des multinationales pour échapper à l’impôt. Une multinationale qui n’a pas d’activité substantielle dans un pays à faible fiscalité mais qui y déclare une grande part de ses bénéfices n’agit en effet probablement pas ainsi par hasard.
Il vous reste 43.82% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.