L’assassinat par balles, le 4 décembre en pleine rue devant un grand hôtel à New York, du PDG de United Healthcare, la principale compagnie d’assurances médicales privée des Etats-Unis, et les réactions paradoxales que ce meurtre a suscitées ont ouvert un débat passionné dans le pays. Il place à nouveau les projecteurs sur deux maux propres à la société américaine : les défauts du système d’assurance-maladie et la violence par armes à feu comme moyen de règlement de différends sociaux.

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Un homme de 26 ans, Luigi Mangione, a été arrêté le 9 décembre en Pennsylvanie au terme d’une chasse à l’homme qui a accaparé l’attention des médias américains, et mis en examen pour le meurtre prémédité de Brian Thompson, père de famille de 50 ans et patron d’une de ces énormes sociétés privées qui gèrent, aux Etats-Unis, l’accès aux soins médicaux.

Loin d’être une victime des inégalités sociales, le suspect est le fils d’une riche famille immobilière de la Côte est et diplômé d’une des universités d’élite des Etats-Unis, l’université de Pennsylvanie. Il semble s’être progressivement isolé et radicalisé et avoir nourri une haine particulière à l’égard des assureurs médicaux à la suite d’une opération au dos.

L’affaire a fait éclater au grand jour la colère et la rancœur d’une partie du public contre les compagnies d’assurances médicales. Les réseaux sociaux ont déversé un torrent de commentaires ironiques, vengeurs ou haineux, prenant parti, pendant sa cavale, pour l’assassin présumé. Les grands médias ont dû fermer l’accès aux commentaires de leurs articles. United Healthcare a clos le cahier de condoléances ouvert sur son site tant s’y mêlaient des messages de très mauvais goût.

« Il n’est pas un héros »

La fascination morbide pour cette affaire et le niveau de violence verbale qu’elle a déclenchée sont aussi choquants que la violence avec laquelle le suspect semble avoir voulu se venger d’un système qu’il abhorre. Ces réactions illustrent une tendance déjà décelée dans de récents procès où des jurys populaires ont acquitté des hommes accusés d’avoir fait justice eux-mêmes en tuant des individus qu’ils jugeaient menaçants ; elles sont inquiétantes dans un pays qui se targue d’être un Etat de droit et où les armes à feu sont en vente quasi libre. « Ce tueur est salué comme un héros, s’est alarmé le gouverneur démocrate de Pennsylvanie, Josh Shapiro. Ecoutez-moi bien : il n’est pas un héros. On ne tue pas des gens de sang-froid pour exprimer un point de vue. »

Les réactions à l’assassinat de Brian Thompson soulignent aussi le ressentiment persistant et très répandu à l’égard des assureurs médicaux privés et d’un système de santé inégal, même si la couverture médicale des Américains a été notablement améliorée depuis la présidence Obama. La population ne compte plus aujourd’hui que 8 % de non-assurés, et 99 % des personnes âgées sont couvertes.

Mais le fonctionnement des compagnies d’assurances, sous-traitantes des programmes publics, et leur recherche du profit sur le dos des assurés nourrissent les frustrations ; le taux de refus d’agrément pour les actes médicaux a fortement augmenté ces dernières années. C’est toute la complexité du système de santé ruineux aux Etats-Unis, dont les dépenses engloutissent 17 % du produit intérieur brut, qui est mise en cause dans ce débat, dans un climat que la nomination de Robert Kennedy Jr, complotiste antivax notoire, comme ministre de la santé par le président élu Donald Trump ne risque pas d’alléger.

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Le Monde

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