Depuis la mort de Gaston Defferre, en 1986, les élus locaux, qu’ils se situent dans la majorité ou dans l’opposition, sont orphelins du seul ministre véritablement décentralisateur de l’histoire, celui qui, par la loi du 2 mars 1982, avait essayé de rompre avec huit siècles d’une centralisation administrative entreprise par Philippe Auguste (1165-1223) avec les baillis et sénéchaux, ancêtres des préfets actuels.

Dans les vingt-cinq dernières années, les gouvernements successifs ont démantelé une large part de la fiscalité locale, supprimant les droits de mutation des régions, la vignette des départements, la taxe professionnelle, la taxe d’habitation sur les résidences principales, la cotisation à la valeur ajoutée en tant qu’impôt local, sans compter la division par deux des bases foncières des entreprises industrielles.

Avec cette noria de textes, les départements et les régions ne disposent plus de la moindre marge de manœuvre fiscale. Quant aux communes, si elles peuvent toujours percevoir une taxe de séjour du visiteur qui passe une nuit sur leur territoire, le séjour d’un habitant qui y passe 365 jours par an est devenu gratuit.

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Ce débat entre pouvoir central et pouvoirs locaux s’est envenimé depuis l’été, avec la mise en cause par Bercy d’une responsabilité des collectivités dans la dérive annoncée des comptes publics, qui passerait d’un déficit prévu de 4,4 % du PIB à un estimé de 6,1 % en 2024, soit un écart de prévision de plus de 50 milliards d’euros…

Règles comptables différentes

Si les comptes financiers nationaux consolident les résultats budgétaires de trois administrations publiques (centrale, sociale et locale), celles-ci n’obéissent pas aux mêmes règles comptables, ce qui est regrettable dans un pays moderne. Sur le projet de loi de finances 2025, actuellement en discussion au Parlement, le déficit de fonctionnement de l’Etat s’élève à 106 milliards d’euros, ce qui signifie que les deux tiers de son personnel sont payés par l’emprunt. De surcroît, l’Etat ne pratique aucune dotation aux amortissements sur ses propres immobilisations, comme si ses véhicules et ordinateurs avaient une durée de vie infinie…

En revanche, les collectivités, outre le fait qu’elles doivent amortir leurs biens mobiliers comme les entreprises, ne peuvent avoir recours à l’emprunt que pour financer des investissements et, de surcroît, ne peuvent pas rembourser le capital de leur dette par la contraction d’emprunts nouveaux. Si l’Etat respectait lui-même les règles budgétaires qu’il impose aux collectivités, il lui faudrait ajouter au projet de loi de finances 2025 pas moins de 276 milliards d’impôts supplémentaires, soit, pour donner un ordre de grandeur, passer le taux normal de TVA de 20 % à 46 % !

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