Livre. Alors que les tragédies déferlent sur les routes migratoires, William Atkins puise, dans l’histoire, des éléments de réflexion sur l’exil et le déracinement. Après Dans l’infinité des déserts. Voyages aux quatre coins du monde (Albin Michel, 2021), l’auteur revient sur les trajectoires de la communarde Louise Michel, du roi zoulou Dinuzulu kaCetshwayo et du révolutionnaire ukrainien Lev Shternberg. Tous trois ont été arrachés à leurs terres natales pour s’être révoltés contre les nations coloniales qu’étaient alors la France, l’Empire britannique et l’Empire russe.

Avec Les Exilés. Trois destins bouleversés par l’histoire (Albin Michel, 352 pages, 24,90 euros), William Atkins livre un exercice d’admiration savamment documenté à la croisée du récit de voyage et de l’enquête historique.

Louise Michel, parce qu’elle s’était engagée dans les événements de la Commune, fut contrainte à l’exil en Nouvelle-Calédonie. Comme Dinuzulu à l’île de Sainte-Hélène, au large de l’Angola, et Shternberg sur l’île de Sakhaline, dans l’Extrême-Orient russe, elle fit de sa condition d’étrangère un élément indissociable de sa personnalité. Aux confins des océans, « les solidarités entre sujets bannis et sujets colonisés » ont notamment participé à une réappropriation d’identités bafouées, relève William Atkins.

Expulsion et profanation

Ses déplacements à Sakhaline inspirent à Lev Shternberg sa vocation d’ethnographe, tandis que Louise Michel se rallie à la cause des rebelles kanak. A celle qui leur offre un morceau de son foulard rouge de communarde, les autochtones racontent l’expulsion de leurs terres ainsi que la profanation de leurs sépultures par les représentants du système carcéral.

A la veille du référendum d’autodétermination organisé en 2018 en Nouvelle-Calédonie, William Atkins se rend sur l’île, à la recherche des traces de la communarde exilée. Lorsque le « non » à la pleine souveraineté de l’archipel l’emporte, le 4 novembre 2018, ceux qui voulaient affranchir le territoire de la domination française affrontent une nouvelle fois « la négation de leur quête de libération ».

Malgré les perspectives d’accès à l’indépendance ouvertes par l’accord de Nouméa, en 1998, l’ancienne nation coloniale n’a cessé, depuis, de faire barrage aux revendications du droit à l’autodétermination des populations autochtones. C’est ainsi que le journaliste britannique analyse l’humiliation ressentie par les Kanak et l’antagonisme conférant à l’île son caractère « fondamentalement violent, comme il l’était au temps de Louise Michel, comme il l’est depuis 1853 ». Une remarque à laquelle fait écho le récent rapport d’experts de l’Organisation des Nations unies, alertant à propos de « l’usage excessif de la force » à l’encontre des autochtones kanak.

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