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Photo d’illustration prise à Paris le 10 juin 2021, lors d’un mouvement de protestation des psychiatres et psychologues pour une meilleure reconnaissance de leurs professions.
POLITIQUE – « Il est possible d’éviter l’isolement et la contention des patients pris en charge pour des troubles de santé mentale, mais cela nécessite d’agir en amont », insiste Joël Aviragnet. Le député socialiste de Haute-Garonne est le coauteur, avec sa collègue de l’Orne Chantal Jourdan, d’un plan de dix mesures sur la santé mentale présenté ce lundi 9 octobre et que Le Meridien dévoile en exclusivité.
La santé mentale constitue le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, avec un coût annuel de 23,4 milliards d’euros. En 2018, une étude chiffrait à 163 milliards d’euros le coût total des troubles pour la société, une somme à revoir à la hausse à la lumière de l’épidémie de coronavirus qui a profondément ébranlé le moral des Français.

Selon une enquête de Santé publique France, 24,1 % de la population française présentait un état anxieux en décembre 2022, soit 11 points de plus par rapport au niveau d’avant-Covid, et 17,1 % présentait un état dépressif (+7 points). « Qu’est-ce que les pouvoirs publics ont fait depuis les confinements et le Covid ? Rien. Il n’y a toujours pas de réelle prise en charge » sur la santé mentale, déplore Joël Avignaret.
Les constats dressés par les socialistes dans le domaine font écho à ceux du monde de la santé en général : manque d’attractivité des métiers, déserts médicaux, dispositifs insuffisants et inégalités territoriales… « La santé mentale est le parent pauvre de notre système de santé lui-même appauvri par des décennies de gestion comptable et un manque profond de considération des professionnels », soulignent les socialistes dans leur plan, présenté ce lundi en conférence de presse, en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès.
« Changer d’approche » sur la santé mentale
« La mesure phare est le ’zéro contention et zéro isolement’ », explique Joël Avignaret, en référence à ces dispositifs qui permettent d’immobiliser le patient pour sa sécurité ou celle d’autrui. Pour lui, le recours à ces pratiques est révélateur des failles de la vision française. L’élu de Haute-Garonne prend ainsi l’exemple de l’hôpital de Lille qui ne conserve qu’un petit nombre de lits de contention car il a « changé d’approche » et mise désormais sur des équipes mobiles « qui interviennent plus rapidement et avec des prises en charge graduées qui prennent en compte toutes les composantes du cadre de vie ». Avec, à la fin, une meilleure prise en charge du patient et de meilleures chances de rétablissement.

« La fin de la contention et de l’isolement que nous appelons de nos vœux ne pourra se faire qu’avec un renfort massif de professionnels de la santé mentale et un développement de la prévention », appuient les députés socialistes qui réclament donc la revalorisation « massive » des rémunérations, un plan d’embauche d’envergure avec 5 000 postes de psychologues et 20 % d’internes en plus. Une obligation de stage en psychiatrie pour les étudiants en médecine est aussi évoquée pour « favoriser le choix de cette spécialité ».
Cours en 4e et éco-anxiété
Sur le plan de la prévention, les élus se penchent particulièrement sur les plus jeunes, alors que plus d’un enfant sur 10 souffre au moins d’un trouble de santé mentale, selon une première étude nationale d’ampleur dévoilée en juin. Les socialistes défendent ainsi l’instauration de cours d’éducation à la santé mentale, couplés à ceux sur l’éducation sexuelle en classe de 4e.
Ils réclament aussi « des réponses spécifiques » pour répondre à l’éco-anxiété, qui touche particulièrement les jeunes générations : formation des professionnels, organisation de temps de détection de l’éco- anxiété dans les écoles, collèges, lycées, universités, et dans les milieux associatifs, aide à la reconversion professionnelle vers un métier en accord avec les valeurs écologiques du patient… En parallèle, ils plaident pour la création de 15 000 postes supplémentaires de psychologues de l’Éducation nationale pour détecter au plus tôt les troubles psychologiques.

Ces mesures ont vocation à se transformer en proposition de loi que les socialistes espèrent transpartisane. Ils n’excluent pas non plus de passer par des amendements, notamment au sein du projet de loi de finances de la sécurité sociale attendu dans l’hémicycle le 24 octobre. De son côté, et pour répondre aux demandes des élus locaux, le gouvernement s’est aussi emparé du sujet avec l’annonce début septembre d’un CNR consacré à la santé mentale.
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