PLANÈTE+ – JEUDI 11 JUILLET À 22 H 25 – DOCUMENTAIRE
Les spoliations opérées sur les œuvres d’art par les nazis pendant l’Occupation sont un fait désormais connu et largement documenté. Monuments Men (2014), de George Clooney, pas toujours exact sur le plan historique, a mis au-devant de la scène la figure discrète mais essentielle de Rose Valland, une résistante attachée de conservation qui travaillait au Jeu de paume, principal dépôt des œuvres d’art spoliées en France par les nazis, en majorité aux familles juives.
Si Rose Valland a fourni une contribution essentielle au traçage des larcins en notant en secret leur provenance et leur destination, d’autres objets volés n’ont pas eu cette chance. Certains instruments de musique et partitions, parfois rares et précieux (comme ceux de la collection de la grande claveciniste Wanda Landowska), ont fait l’objet de disparitions irrémédiables pendant la seconde guerre mondiale.
Le but des nazis, après l’instauration en 1942 de la « solution finale », dernière étape du génocide des juifs d’Europe, était non seulement de faire disparaître toute trace de ces derniers, que la doctrine hitlérienne tenait pour responsables de la guerre mondiale, mais aussi de compenser les pertes de biens ordinaires en Allemagne par la réquisition de tout ce qui se trouvait dans les appartements laissés « vacants » (le terme officiel) par les juifs ayant fui les rafles.
Entreprises spécialisées
Rien qu’à Paris, près de 40 000 appartements furent intégralement vidés de leur contenu, des nombreux pianos droits jusqu’aux plus modestes effets, par l’entremise de la Möbel Aktion (« opération meuble »), qui donne son titre au documentaire que consacre Cyril Denvers au pillage des appartements juifs de la capitale.
Les Allemands ordonnèrent aux municipalités de les localiser (aidés par de nombreux dénonciateurs et voisins) et de financer les déménagements en les confiant à des entreprises spécialisées. Le chiffre d’affaires de celles-ci profitera beaucoup de l’aubaine fournie par cette activité officiellement « forcée »…
A l’aide de scènes reconstituées – pas toujours nécessaires mais tournées avec autant de tact que possible –, ce documentaire montre l’activité et le quotidien de ces entrepôts, en se fondant sur des témoignages mémoriels nombreux.
Interviennent des historiens, Sarah Gensburger et Jean-Marc Dreyfus (conseiller historique du film), notamment coauteurs de Des camps dans Paris (Fayard, 2003), ainsi que des rescapés, comme les frères Behr, qui disent en substance ce qu’écrivait avec tristesse Maurice Wolf à propos des juifs qui avaient échappé à la déportation : « [Ils] étaient livrés à eux-mêmes. Seuls les déportés politiques recevaient quelque considération. Les juifs étaient des survivants de seconde zone… »
Le Pillage des appartements juifs : l’Opération meuble, de Cyril Denvers (Fr., 2020, 52 min).