Jeudi 26 septembre 2019. La France apprend le décès de Jacques Chirac. Les habitants de l’agglomération de Rouen, eux, se réveillent avec une vision d’apocalypse. Cinq ans après, jour pour jour, ils n’ont rien oublié. L’immense panache de fumée noire au-dessus de leur tête. La suie sur les balcons et les voitures. Les débris de toit amianté dans les jardins. L’odeur nauséabonde d’hydrocarbure brûlé. Les yeux et la gorge qui piquent. Les maux de tête. Les écoles fermées. Les sirènes des pompiers… L’usine chimique Lubrizol est en feu. Quelques jours plus tard, ils apprendront que l’incendie a aussi ravagé les entrepôts de la société mitoyenne, Normandie Logistique, et que ce sont finalement 9 500 tonnes et non pas 5 000 tonnes de produits potentiellement dangereux qui ont brûlé.
Jeudi 26 septembre 2024. Le collectif unitaire Lubrizol – qui regroupe syndicats, partis de gauche et écologistes, associations de défense de l’environnement et l’Union des victimes de Lubrizol – a donné rendez-vous à 18 heures devant le palais de justice de Rouen « pour que la justice ne nous oublie pas » et « pour que tout soit mis en œuvre afin de déboucher le plus rapidement possible sur un procès pénal exemplaire ».
La justice ne les oublie pas : selon les informations du Monde, les associations parties civiles au dossier seront reçues mi-novembre par les juges chargés de l’instruction au tribunal judiciaire de Paris. Sur le fond, ils risquent d’être déçus : malgré la mise en examen de Lubrizol notamment pour « mise en danger de la vie d’autrui », la perspective d’un grand procès s’éloigne à mesure que les années passent. Confiée au pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris, l’enquête pénale se heurte à plusieurs obstacles. Un, en particulier, paraît insurmontable : l’origine du feu. Selon les informations du Monde, les magistrats se sont fait une raison : l’enquête ne parviendra pas à établir la cause de l’incendie.
« Pas d’éléments tangibles et factuels »
De source proche du dossier, on évoque des hypothèses mais l’impossibilité de trancher avec certitude pour l’une ou l’autre malgré la succession de rapports d’expertise. Le dernier en date (2023) confié à l’Institut de recherche criminelle de gendarmerie nationale (IRCGN) privilégie « l’hypothèse d’un départ sur l’emprise de la société Lubrizol », dans une cour de stockage extérieur proche des entrepôts de Normandie Logistique. Une « hypothèse » que réfute le géant américain des lubrifiants qui, depuis le début de l’affaire, rejette la responsabilité du départ du feu à son voisin. Concernant les causes de l’incendie, les experts de l’IRCGN estiment qu’il n’y a « pas d’éléments tangibles et factuels utiles à la manifestation de la vérité ».
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