La revue des revues. Grrr. C’est sur ce mot que nous annoncions, à l’automne 2017, le premier numéro de la revue féministe Panthère première, bien décidée à montrer les dents et les innombrables façons dont l’intime est toujours politique. Aujourd’hui, on grogne encore en ouvrant le numéro 10, mais parce qu’on apprend qu’il sera le dernier.
Le destin de ce projet collectif en non-mixité semble, rétrospectivement, intimement lié à celui de #MeToo, comme le note l’éditorial : « Nous avons désiré la vague, pris la vague, nous avons été emportées, déplacées, transformées. Nous avons vu la peur commencer à changer de camp ; puis ce camp organiser la riposte. » Force est de constater que, depuis 2017, le vent a tourné. La Panthère nous apprend ainsi qu’en 2022 elle s’est vu retirer une aide du Centre national du livre dont elle bénéficiait depuis quatre ans, sa ligne éditoriale (pourtant inchangée) ayant été jugée « trop militante et pas assez scientifique ». Et qu’à l’été 2025, une autre, accordée depuis sept ans par le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, avait failli lui être retirée, et que son nouveau versement serait fait avec six mois de retard. Cause de ce délai : l’usage de l’écriture inclusive, et en particulier du point médian, que la région avait un temps sanctionné par un refus de subvention aux opérateurs culturels.
La prose de prisonnières
Le collectif ne cache pas sa colère, et ouvre donc son ultime numéro par un jouissif « Seum Manifesto ». Spécialiste de la prose carcérale, Juliette Stella y convoque les écrits des prisonnières – de l’écrivaine anarchiste sicilienne Goliarda Sapienza (1924-1996) à la poétesse et activiste américaine Assata Shakur (1947-2025), membre des Black Panthers et de la Black Liberation Army – qui pendant ou après leur incarcération couchent sur le papier leur colère, cet « instinct de vie qui nous saisit et nous sauve », pour mieux « la rendre audible, lisible, la porter hors de soi afin qu’elle ne les dévore pas ».
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