Maisons en tôle envolées, poteaux électriques à terre, arbres arrachés : le cyclone Chido s’est abattu samedi 14 décembre sur Mayotte, placé désormais en alerte rouge, où les habitants barricadés, coupés du monde, ont été touchés par des vents dévastateurs. Deux personnes sont mortes dans le secteur de Petite-Terre, la petite île de l’archipel où se situe l’aéroport de Pamandzi, à l’est de Mamoudzou, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de source sécuritaire.
Le premier ministre, François Bayrou, a pris la parole sur le sujet, samedi soir, après un comité interministériel de crise tenu au ministère de l’intérieur, à Paris. « Le bilan n’est pas très facile à faire », a déclaré M. Bayrou, du fait des conditions toujours dégradées sur place et de la difficulté à faire remonter des informations fiables. « Les services de l’Etat sont présents et mobilisés », a-t-il ajouté.
Prenant la parole à sa suite, le ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, a dit la « totale solidarité [du gouvernement] avec nos compatriotes mahorais ». « L’habitat précaire a été entièrement détruit », a-t-il poursuivi, avant de détailler les actions qui vont être menées à l’initiative des autorités : du fait de la destruction de la tour de contrôle de l’aéroport international, seuls des avions militaires vont être autorisés à y atterrir ; un pont aérien organisé par l’armée va être mis en place depuis La Réunion ; un hôpital de campagne va être déployé à Mamoudzou, où plusieurs services du centre hospitalier ne sont plus utilisables ; jusqu’à mercredi, 800 personnes de la sécurité civile arriveront en renfort sur l’archipel, ainsi que 210 personnels médicaux.
Interrogé sur le bilan humain, Bruno Retailleau a déclaré : « Je ne prononcerai aucun chiffre parce que personne n’est capable de savoir ce qu’il en est exactement ». « Pour faire un bilan, on doit être en mesure d’aller sur le terrain, d’inspecter les gravats, d’inspecter cet habitat précaire qui a été totalement détruit. Ça ne sera que dans quelques jours, dans quelques heures », a-t-il ajouté, avant d’estimer : « Nous craignons qu’il soit lourd ».
Le niveau d’alerte a été abaissé de violet à rouge pour laisser sortir les secours, mais le préfet a appelé les quelque 320 000 habitants de Mayotte à rester « confinés » et « solidaires » dans « cette épreuve ». Les communications avec le territoire restent très difficiles.
Fermé jusqu’à nouvel ordre, l’aéroport, où des rafales ont atteint 226 km/h selon Météo-France, a « subi de gros dégâts, notamment la tour de contrôle », a rapporté sur X le ministre démissionnaire des transports, François Durovray. « Le trafic sera dans un premier temps rétabli avec des avions militaires de secours. Des navires sont engagés pour assurer le ravitaillement », a-t-il ajouté.
Le ministre démissionnaire des armées, Sébastien Lecornu, a souligné qu’un avion A400M partirait dès samedi soir de métropole avec du fret humanitaire et des moyens de sécurité civile. Il sera accompagné d’une frégate et d’un hélicoptère. Le Secours populaire a de son côté lancé un appel aux dons.
« La situation est catastrophique »
« Beaucoup d’entre nous avons tout perdu », a déploré le préfet du 101e département français, François-Xavier Bieuville, faisant état du « cyclone le plus violent et destructeur que nous ayons connu depuis 1934 ». « La situation est catastrophique », a déploré auprès de l’AFP le président de l’association des maires de ce département français d’outre-mer, Madi Madi Souf.
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Plus de 15 000 foyers sont privés d’électricité, a tweeté la ministre de la transition écologique démissionnaire, Agnès Pannier-Runacher. La situation fait craindre également de sévères difficultés d’approvisionnement en eau dans un archipel déjà soumis à des coupures d’eau.
Les services techniques s’activaient dans l’après-midi pour déblayer les routes et laisser passer les secours, selon le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila. Ibrahim Mcolo, un habitant de Chiconi dans l’ouest de Grande-Terre, était allé se réfugier dans la maison en béton de sa famille à Kangani, dans le nord de la Grande-Terre. « Je vois toutes les tôles des voisins s’envoler, des câbles arrachés, le bananier du voisin à terre. Même dans notre maison qui est bien protégée, l’eau rentre. Je la sens trembler », a-t-il décrit à l’AFP dans la matinée.
« L’heure est à l’urgence », a déclaré sur X le président Emmanuel Macron, assurant que « tout le pays » était aux côtés des Mahorais. Le nouveau premier ministre François Bayrou doit participer à une réunion interministérielle de crise à Paris dans la soirée, a annoncé Matignon.
Le ministre de l’intérieur démissionnaire Bruno Retailleau a annoncé un nouvel envoi dimanche de 140 militaires de la sécurité civile et sapeurs-pompiers, portant à 250 les personnels dépêchés sur place. Quelque 1 600 policiers et gendarmes sont déployés pour porter secours à la population et « prévenir d’éventuels pillages », a-t-on appris dans l’entourage de Bruno Retailleau.
Selon le ministère de l’intérieur, la phase d’évaluation des dégâts sur les infrastructures critiques (hôpital, aéroport, préfecture…) a débuté. Lors d’un entretien téléphonique avec le préfet de l’archipel, M. Retailleau a demandé « une mobilisation maximale des forces de l’ordre pour porter secours à la population et prévenir d’éventuels pillages ».
Le cyclone fait cap sur le Mozambique
Vers 14 h 30 heure locale (12 h 30 à Paris), la cellule de crise mise en place à la préfecture avait reçu des appels de personnes « seulement blessées », mais « les secours n’ont pas encore pu accéder aux hauteurs de la ville », où se trouvent les habitants les plus vulnérables, a souligné le maire de Mamoudzou.
Environ 100 000 personnes logeant dans des « habitations non solides », notamment dans des cases en tôle, avaient été identifiées dans l’archipel par les autorités pour être mises à l’abri dans plus de 70 centres d’hébergement d’urgence.
L’œil du cyclone tropical intense est passé sur le nord et le nord-ouest de Grande-Terre en fin de matinée. Il s’est ensuite éloigné vers l’ouest et les conditions météorologiques se sont « améliorées rapidement » en fin d’après-midi sur l’archipel, selon les services météorologiques.
Chido va rester néanmoins un cyclone « extrêmement dangereux au cours des 18 à 24 prochaines heures », et menace désormais les côtes du Mozambique sur le continent africain. L’archipel avait été placé en alerte cyclonique violette à 5 heures locales (3 heures à Paris), impliquant « un confinement strict de l’ensemble de la population », selon la préfecture. Ce cyclone a charrié des vents supérieurs, selon le service de météorologie, à l’intensité du cyclone Kamisy de 1984, qui avait fait des milliers de sans-abri et marqué la population du territoire, aujourd’hui le département le plus pauvre de France.
Deux des îles des Comores, Anjouan – la plus proche de Mayotte – et Mohéli, ont elles aussi été touchées, mais beaucoup moins durement. Des mosquées ont été inondées, des kwasa (embarcations) emportées par les vagues et des habitations endommagées, a rapporté le commandant Abderemane Mahmoud, de la Sécurité civile comorienne.