Non prévu initialement dans les traités communautaires mais imaginé et institué par Valéry Giscard d’Estaing, renforcé par le traité de Lisbonne (2009), le Conseil européen s’est imposé comme le centre de gravité du système institutionnel de l’Union européenne (UE). Son pouvoir s’est accru à l’occasion des crises récemment traversées par l’Europe, qu’il s’agisse de celle de la zone euro, de la crise sanitaire ou de la guerre en Ukraine.
Autant d’épisodes qui ont nécessité des décisions lourdes, adoptées dans des délais contraints, que la légitimité du Conseil européen a rendues possibles. Souvent confondue avec le Conseil de l’UE, qui réunit des représentants de rang ministériel, l’institution rassemble en effet les « chefs d’Etat ou de gouvernement », soit le plus haut niveau de responsabilité politique qui puisse exister au sein des Etats membres. Les traités européens laissent cependant à ces derniers le soin d’y désigner leurs représentants, conformément à leurs règles constitutionnelles internes.
Conformément à la logique de leurs régimes parlementaires, les Etats sont le plus souvent représentés par des chefs de gouvernement. C’est l’option retenue par l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou la Pologne. Les cas où le chef de l’Etat, en l’occurrence un président, est désigné par l’Etat membre font figure d’exceptions. Tel est le choix de Chypre, de la Lituanie et de la Roumanie, où le président, élu au suffrage universel direct, se voit reconnaître des pouvoirs en matière de politique étrangère par la Constitution. C’est aussi celui de la France.
Une représentation bicéphale
Dans un contexte de transfert continu des compétences des Etats membres vers l’Union, le Conseil européen apparaît du reste comme un lieu-clé de l’exercice du pouvoir présidentiel. Pour Emmanuel Macron, qui a dès 2017 placé l’Europe au centre de son projet politique, la présence au Conseil européen constitue à n’en point douter un enjeu crucial, sinon existentiel.
Cette participation du président français repose pourtant, d’un point de vue juridique, sur des bases fragiles. Initialement censée instaurer un véritable régime parlementaire, la Constitution de 1958 ne consacre pas clairement un rôle de représentation sur le plan international au profit du chef de l’Etat. Celui-ci s’est cependant imposé, à raison d’une lecture présidentialiste de la Constitution encouragée par l’élection du président au suffrage universel direct à la suite du référendum du 28 octobre 1962.
Mais cette pratique a été interrompue à l’occasion des trois cohabitations qu’a connues la France depuis 1986. Un compromis fut alors trouvé entre le chef de l’Etat et le premier ministre, qui se traduisit par une représentation bicéphale lors des réunions du Conseil européen. Les deux sommets de l’exécutif (Mitterrand-Chirac, Mitterrand-Balladur puis Chirac-Jospin) parvinrent alors, non sans certaines tensions qui restèrent toutefois discrètes, à y formuler une expression commune.
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