Lorsque Marine Le Pen et Giorgia Meloni emploient le mot « immigration », elles ne parlent pas de la même chose. On aurait tort de prendre les deux dirigeantes d’extrême droite pour les interprètes d’un même discours. Pour la présidente du conseil italien, l’immigration est un phénomène de géographie humaine externe qui doit être contrôlé, sa régulation offrant des opportunités en matière de politique étrangère.

En revanche, quand le terme est employé par les chefs de file du Rassemblement national [RN], il évoque tout autre chose. On ne parle plus d’un phénomène quantifiable. On convoque plutôt, au moyen de non-dits, un imaginaire anxieux faisant référence moins à des flux réels qu’à des tensions et à des malaises identitaires intérieurs, produits de la longue histoire coloniale et migratoire qui a façonné la société française contemporaine.

Il est donc question d’autre chose. Dans ce discours confus mais efficace, la notion d’immigration sert de liant à un ensemble d’angoisses nationales, identifiant le terrorisme islamiste, les révoltes des banlieues, les fraudes sociales, la criminalité et, depuis le 7 octobre 2023, l’antisémitisme, à la figure d’un migrant imaginaire. Le discours du RN vise en réalité les citoyens appartenant aux minorités, en particulier ceux de confession musulmane.

En Italie, dans le discours de Giorgia Meloni, ce sous-texte est inexistant. Le thème de l’immigration ne sert pas à camoufler un discours sur une réalité intérieure qu’elle laisse à ses alliés de la Ligue et aux franges les plus droitières du spectre politique. Il désigne un phénomène extérieur.

Vecteur d’action diplomatique

Dans les discours de la présidente du conseil, le migrant est une victime « désespérée » dont le « droit à ne pas émigrer » a été bafoué du fait de carences de développement économique imputables aux politiques jugées prédatrices de puissances extérieures. C’est alors la France qui est visée. Il est surtout victime de « trafiquants d’êtres humains » à combattre en puisant dans le savoir-faire italien de la lutte antimafia.

Dès lors, la politique migratoire de Rome est devenue un vecteur d’action diplomatique. Depuis le début de son mandat, Giorgia Meloni a posé les jalons d’un discours prônant une coopération renouvelée avec les Etats africains. Ayant organisé un sommet Italie-Afrique à Rome en janvier, elle met en avant un récit selon lequel l’Italie serait porteuse d’une approche « d’égal à égal », socle d’une coopération en matière migratoire avec les Etats de départ et de transit.

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