CANAL+ – LUNDI 2 SEPTEMBRE À 21 HEURES – MINISÉRIE
La place forte en question, c’est la Norvège, dans quelques années. D’ordinaire, les dystopies nous proposent d’errer dans les décombres en contemplant de l’extérieur les oasis épargnées par l’apocalypse. The Fortress offre une visite guidée de l’une d’entre elles, au moment où l’illusion de l’isolation vole en éclats.
On discerne dès les premiers plans la vocation pédagogique de cette fiction. Ce qui vient ensuite – la complexité des comportements intimes et politiques, les rebondissements empruntés à tous les genres de la fiction spéculative – fait de la série une plaisante (si l’on peut se plaire à contempler le spectacle de sa fin) surprise.
Au pied de la muraille que le royaume de Norvège a édifiée le long de sa frontière terrestre, des dizaines de milliers de réfugiés venus du reste de l’Europe se pressent. Pour se préserver du chaos planétaire, le pays est parvenu à l’autosuffisance alimentaire, entre autres grâce à d’immenses élevages de saumons. Une alerte sanitaire dans l’un de ces établissements trace une première lézarde dans cet édifice autarcique qui se pare des atouts de la démocratie.
En s’appuyant sur quelques figures reconnaissables – une chercheuse héroïque (Selome Emnetu), un déplacé britannique sans cesse menacé d’expulsion (l’excellent Russell Tovey) –, les créateurs de The Fortress imaginent, jusqu’à l’absurde, la mise en œuvre du discours qui veut qu’une partie du monde puisse ignorer l’autre.
Mêlant cauchemars sécuritaire et sanitaire, le récit propose à la fois un reflet grotesque de la réalité de tout un continent, tout en ouvrant une fenêtre sur l’histoire et la culture politique de la Norvège. Le titre original de la série, La Forteresse Norvège, est emprunté à la terminologie du IIIe Reich qui désignait sous cette expression les fortifications défendant le royaume occupé d’une invasion alliée.
The Fortress, série créée par John Kare Raake et Linn-Jeanethe Kyed. Avec Selome Emnetu, Russell Tovey, Rebekka Nystabakk, Tobias Santelmann, Eili Harboe (Nor., 2023, 7 × 52 min). A la demande sur MyCanal.