Le futur proche dans lequel se déroule la série dystopique The Fortress l’est suffisamment pour que le souvenir de la pandémie de Covid-19 soit bien présent dans les esprits et guide encore les décisions quand il s’agit de faire face à une épidémie de peste qui touche les élevages de saumon sur lesquels l’équilibre de la Norvège de 2037 repose. A cette date, ce petit pays riche en hydrocarbures est devenu un des seuls endroits habitables en Europe, en proie aux catastrophes climatiques, à la faim et aux guerres civiles, et a totalement fermé ses frontières.
L’idée de la série, découverte en France au festival Séries Mania, où elle a reçu le Prix du scénario en mars 2023, est venue à ses créateurs au moment de la crise migratoire du milieu des années 2010, bien avant que le coronavirus ne paralyse le monde.
Virus agressif
« Le premier ministre suédois [le social-démocrate Stefan Löfven] avait demandé à ses citoyens d’“ouvrir leur cœur” aux migrants, se souvient John Kare Raake, cocréateur de la série avec Linn-Jeanethe Kyed, joint par visioconférence à Oslo. Un an plus tard, en 2015, il a annoncé, en larmes, qu’il devait fermer les frontières. Cent vingt mille réfugiés étaient arrivés en Suède cette année-là, c’était trop. »
C’est à ce moment-là que l’idée d’un mur qui isolerait le pays du reste du monde a également germé dans la tête des scénaristes. Indépendante d’un point de vue énergétique, la Norvège l’est, en revanche, beaucoup moins quant à son alimentation. Dans la série, l’autosuffisance alimentaire du pays a demandé dix ans d’effort national, et l’aide de chercheurs agronomes sur lesquels repose la survie de la population.
Une ingénieure, jouée par Selome Emnetu, devient ainsi un des seuls recours lorsque les élevages de saumon sont décimés par un virus agressif et transmissible à l’homme. « La Norvège de The Fortress pense qu’elle peut tout faire seule. C’est ça, l’hubris », dit John Kare Raake. D’épisode en épisode, la citadelle paradisiaque se referme sur ses habitants et se transforme en prison.
Au-delà du thriller pandémique à la Contagion (2011), de Steven Soderbergh, The Fortress vaut aussi pour son analyse des limites de l’isolationnisme, qui tente de plus en plus les démocraties face à la montée des périls internationaux. Les scénaristes ont ainsi situé la série à Bergen, deuxième ville du pays et qui fut le point d’entrée de la peste noire dans le pays au XIVe siècle, par l’intermédiaire d’un bateau anglais.
Dans The Fortress, c’est une réfugiée britannique qui est soupçonnée, à tort, d’avoir fait entrer le bacille dans le pays. Son veuf, Charlie (interprété par Russell Tovey, vu entre autres dans une série au thème proche créée par le Britannique Russell T Davies, Years and Years, disponible sur MyCanal), se bat contre les autorités pour que la mort de sa femme ne soit pas instrumentalisée aux dépens des demandeurs d’asile.
Il vous reste 39.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.