Bernard Pallot, 78 ans, a été acquitté, mercredi 30 octobre, de l’assassinat de son épouse, malade, dont la vie n’était selon lui « plus supportable ».
Huit ans de prison avaient été requis contre ce professeur en IUT retraité pour avoir étranglé sa femme, qui souffrait de plusieurs pathologies.
« Je ne suis pas un assassin », s’était-il défendu.
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Il avait affirmé agi « par amour », « à la demande » de sa femme pour « éviter qu’elle souffre ». Jugé pour l’assassinat de son épouse Suzanne, malade, Bernard Pallot a été acquitté, mercredi 30 octobre, à Troyes. Le parquet avait requis huit ans de prison à l’égard de cet homme de 78 ans, au casier judiciaire vierge, qui reconnaissait l’avoir étranglée mais assurait l’avoir « euthanasiée » selon sa volonté.
Le 11 octobre 2021, ce professeur en IUT à la retraite injecte du cyanure dans la cuisse de son épouse, dont la vie n’était selon lui « plus supportable », pour la tuer, sans y parvenir. Alors, « dans l’improvisation », il s’empare d’un morceau de fil électrique, dans le garage de leur domicile d’Isle-Aumont, dans l’Aube, qu’il lui serre autour du cou pendant une vingtaine de minutes. « Cela paraît un peu sauvage comme méthode, mais je n’avais pas le choix », a-t-il dit lors de l’enquête. À l’arrivée des gendarmes, l’ingénieur de formation déclare : « C’est moi qui ai tué ma femme ».
Elle souffrait de plusieurs pathologies
Également septuagénaire, Suzanne Pallot souffrait de plusieurs pathologies, notamment de la maladie de Carrington, une pneumopathie chronique, et d’ostéoporose, avec des fractures multiples, dont une du col du fémur intervenue peu de temps avant les faits. Lors d’un interrogatoire, Bernard Pallot a affirmé qu’il s’agissait pour lui d’une « euthanasie » demandée par son épouse, à laquelle il était marié depuis 1969. Près de son corps, un mot a été trouvé : « Je soussignée, Pallot Suzanne, encore saine d’esprit, demande à mon mari, Bernard Pallot, de me soulager définitivement des souffrances incurables que je supporte ».
Le retraité affirme mesurer la gravité de son acte « vis-à-vis des lois de la République » mais estime avoir « tenu ses promesses » vis-à-vis de son épouse. Selon lui, Suzanne, dont il s’occupait au quotidien, ne voulait pas retourner à l’hôpital où elle se sentait « mal entourée ». À un ami, l’accusé dira même : « En France on ne peut pas euthanasier les gens qui souffrent, mais on le fait pour les animaux ».
Loi sur la fin de vie : l’appel à l’aide des maladesSource : JT 20h Semaine
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Mais pour l’avocat général, Me Mickaël Le Nouy, cet assassinat, « présenté comme un geste d’amour, est un geste interdit par la loi » et « on ne peut pas s’arroger le droit de tuer ». Bernard Pallot, jugé devant la cour d’assises de l’Aube, « a agi de façon déterminée, froide et violente », avait-il dit.
La défense avait fait citer Olivier Falorni, rapporteur général du projet de loi sur la fin de vie dont l’examen a été suspendu par la dissolution de l’Assemblée nationale, mais il ne s’est pas présenté, ne souhaitant pas « faire pression sur la cour », a regretté Me Frédéric Verra, l’avocat de l’accusé. Si l’euthanasie était légale, « Bernard Pallot n’aurait pas étranglé sa femme avec un fil électrique », a-t-il plaidé.
Je ne suis pas un assassin
Je ne suis pas un assassin
Bernard Pallot
Dans le cadre de l’enquête, un expert psychologue a décrit une forme de soumission de Bernard Pallot à l’égard de sa femme, qu’il n’osait pas contredire ou raisonner. « Il a fait ce qu’elle voulait et pas ce qu’il voulait », a-t-il estimé. Le jour de sa mort, Suzanne a dit adieu à son fils unique au téléphone. Devant le juge d’instruction, ce dernier a affirmé que son père avait assassiné sa mère « par amour, par compassion ». « Je ne suis pas un assassin », s’était défendu l’accusé, avant que la cour se retire pour décider de son sort. « Si je suis condamné, on aura confondu l’amour et la haine. »
« Ce procès témoigne de l’insuffisance de la loi qui nous met dans des situations, nous les particuliers, difficiles », a exposé avec calme Bernard Pallot à l’issue du verdict. « Je ne suis pas tout seul dans ce cas, il faut absolument que la loi évolue. On est dans le pays des droits de l’homme normalement. » Le droit de mourir « est une liberté que nous n’avons pas encore », a poursuivi son avocat, Me Frédéric Verra. La cour « a fait savoir que les actes avaient été commis. C’est indiscutable. Mais qu’en revanche il y avait une excuse d’irresponsabilité, qui était la contrainte liée à la situation. »