Au milieu du campus universitaire de l’Esplanade, à Strasbourg, se dresse l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire, autrefois reconnaissable à sa façade recouverte de vigne vierge, désormais remplacée par une isolation thermique dernier cri. C’est ici, et dans le bâtiment voisin de l’Institut de physiologie et de chimie biologique, que Michael Ryckelynck et Stéphane Vuilleumier, enseignants-chercheurs respectivement en biochimie et microbiologie (CNRS-université de Strasbourg), s’échinent à trouver des bactéries capables de dégrader les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), ces polluants éternels.
Au troisième étage, au fond d’un dédale de couloirs exigus, dont les murs jaunis détonnent avec le renouveau affiché à l’extérieur, résonnent cliquetis, bips, sonneries. Les scientifiques s’affairent, règlent leurs machines et démarrent les expériences. Au milieu d’un couloir, les deux chercheurs s’arrêtent devant un poster synthétisant leur projet de recherche, « Microfluor », financé par l’Agence nationale de la recherche depuis 2021. « L’avantage principal de la bioremédiation [processus de dépollution qui a recours au vivant] réside dans son faible coût énergétique et son impact environnemental modeste », avance Stéphane Vuilleumier. Mais choisir la solution de sobriété peut rimer avec complexité…
A la croisée des chemins entre chimie, biologie, physique et ingénierie, les deux scientifiques ont façonné une approche robuste, dite « sans a priori ». Il s’agit d’identifier directement la fonction biologique de dégradation des PFAS dans l’environnement, plutôt que de chercher d’abord les gènes qui la coderaient hypothétiquement.
« Nous misons sur le fait que cette fonction existe », explique Stéphane Vuilleumier. « On a évidemment pensé aux sols des sites industriels et plus précisément aux bactéries qu’ils contiennent, poursuit Michael Ryckelynck. Dans l’idée que, l’évolution faisant son office, certaines de ces bactéries pourraient avoir développé une résistance aux PFAS, et pourquoi pas des enzymes capables de les dégrader. » Le compartiment des microbes est en effet susceptible d’évoluer rapidement, comme le montre leur résistance aux antibiotiques. « Mais c’est un pari, car les PFAS n’existent pas à l’état naturel, contrairement à d’autres polluants, et ils ont été introduits dans l’environnement relativement récemment, à l’échelle biologique et géologique », ajoute le biochimiste. La pollution par les PFAS étant aussi généralement très diffuse, la probabilité qu’une bactérie ait été en contact prolongé avec est faible. « On essaye de prendre un coup d’avance sur le vivant en cherchant une bactérie portant une fonction rare, qui serait au tout début de son évolution », résume le chercheur.
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