Foulard blanc couvrant ses cheveux, elle s’avance devant ses juges. En audience de comparution immédiate le 9 octobre, Warda H., 18 ans, s’était présentée tête nue pour réclamer un délai afin de préparer sa défense. Deux mois plus tard, devant le tribunal de Lille, elle doit répondre de violences et menaces de mort sur une personne chargée de mission de service public, en l’occurrence une enseignante du lycée Sévigné où elle était scolarisée à Tourcoing (Nord).
C’était un lundi, à l’heure où les cours se terminent. Warda H. s’apprête à sortir pour prendre son bus. Elle passe par les toilettes et remet son voile. Elle est encore dans le lycée, une enseignante lui demande de le retirer. À partir de là, deux versions divergent.
La professeure assure avoir été bousculée, giflée, et menacée de mort. Warda H. réplique : « Je ne l’ai pas frappée au visage. C’est elle qui m’a giflée. Je lui ai rendu un coup au niveau du pied. Je n’aurais pas dû. Sur le coup de l’énervement, j’ai paniqué. » Elle dira aussi : « Avant qu’elle me gifle, je n’avais rien fait. À part la bousculer parce que je devais sortir. » À quelques mètres de Warda H., en retour, l’enseignante, qui a reconnu une gifle « réflexe », secoue la tête. Chacune sa vérité.
Emballement médiatique
Mais, surtout, on entend que ce n’est pas tant le port du voile dans un lycée qui est en jeu dans ce procès, puisque la jeune fille l’a retiré quand cela lui a été demandé, mais les violences qui ont suivi ce rappel de la loi. La diffusion de la vidéo de surveillance confirme la version de l’enseignante. Sans son, elle ne permet pas, en revanche, d’entendre ce que la jeune fille a dit ou pas. Des menaces de mort ? L’accusation est formelle, Warda H. a bien lancé : « Si tu me prends en photo, je vais te cramer ! » Deux mois plus tard, l’élève de terminale n’en démord pas : « Je l’ai pas menacée. Non. » « Je n’ai pas réfléchi », convient-elle. « Clairement, j’aurais dû lui donner mon identité », comme la professeure le lui a demandé.
Pour l’enseignante, la voix trahissant son émotion, « on a fait de moi une islamophobe ! », alors qu’elle l’assure, elle a « vraiment l’amour de [ses] élèves ». De Warda H., elle dit : « Elle m’a mise à genoux, elle m’a dénigrée. » Elle parle des « rumeurs » qui ont suivi, des « menaces de mort sur moi, mes enfants ; on a lu sur les réseaux sociaux qu’on allait “pleurer des larmes de sang” », raconte celle qui se dit « encore secouée ».
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