La réputation du Vendée Globe n’est pas usurpée.
Entre l’humidité, les mouvements des bateaux et les postures inconfortables, cette course de l’extrême soumet les skippers à des conditions éprouvantes.
Ils se retrouvent exposés à toutes sortes de pathologies plus ou moins graves qu’ils doivent soigner seuls.
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Vendée Globe, l’incroyable aventure humaine
Certains ont en tête l’image de Bertrand de Broc , la langue suturée. En janvier 1993, alors qu’il truste l’avant de la course, passant même en tête aux îles Canaries, le skipper finistérien se blesse gravement en plein océan Atlantique. Au cours d’une manœuvre, il est percuté au visage par son écoute de grand-voile . Il se mord la langue et se la sectionne profondément sur plusieurs centimètres.
Après avoir consulté le médecin de course par télex, ancêtre de la messagerie électronique, qui le guide sur la procédure à suivre, il se recoud lui-même. Un épisode à peine croyable qui vaut à cet ancien scout le surnom de… « Rambo ».
Si l’histoire de Bertrand de Broc demeure, aujourd’hui encore, une des anecdotes les plus invraisemblables de l’histoire du Vendée Globe, il n’est pas rare que la résilience et le courage des marins soient à l’épreuve. Pour relever l’aventure ultime que représente la légendaire course autour du monde en solitaire, il leur est indispensable d’être formé à gérer toutes les situations sur le plan médical.
Lorsqu’on est en mer, il faut avoir l’esprit pratique
Lorsqu’on est en mer, il faut avoir l’esprit pratique
Jérémie Beyou, skipper Charal
« On suit régulièrement des formations médicales. On en a eu une spéciale Vendée Globe, imposée par l’organisateur. Elle a duré trois jours au Pôle Finistère de Port-la-Forêt », raconte à TF1info Jérémie Beyou (Charal), l’un des marins les plus aguerris de la flotte. « On est entouré des médecins urgentistes et de spécialistes en traumatologie, ophtalmologie, dermatologie, etc. On est dans l’échange. On parle des pathologies, des façons de les repérer et de nos expériences en mer. Tous ensemble, on cherche les meilleures solutions pour savoir comment se soigner. »
« On a appris à se recoudre, à se mettre des agrafes ou à s’autoperfuser en cas de grosse infection », détaille Benjamin Ferré (Monnoyeur-Duo for a Job), l’un des 15 bizuths à avoir pris le départ du Vendée Globe cette année. « On s’entraîne pour dédiaboliser l’exercice, désacraliser les gestes », nous explique Benjamin Ferré.
« Lorsqu’on est en mer, il faut avoir l’esprit pratique », souligne Jérémie Beyou. « Il faut avoir des repères et des barèmes pour appréhender ce qu’il nous arrive : est-ce que si je me mets un bout de scotch et ça va le faire ? Ou est-ce que c’est plus grave et il faut que j’appelle le médecin de course ? » « Ce n’est pas pour devenir médecin », nous prévient Samantha Davies, qui barre Initiatives-Cœur . « Ces temps de formation obligatoires permettent d’apprendre et de répéter les gestes de premiers secours ou d’urgence pour être capable, si besoin, de traiter une quelconque blessure ou à survivre plusieurs jours jusqu’à l’arrivée des secours. »
Une trousse pour gérer l’urgence à bord
« Ça rappelle aussi qu’on n’est pas invincible », insiste la navigatrice britannique, figure incontournable du Vendée Globe qu’elle dispute pour la quatrième fois. « Clairement, lorsqu’on ressort de là, on n’a pas du tout envie de pratiquer sur ce qu’on vient d’apprendre. Qui plus est, lorsqu’on sait qu’on va devoir reproduire ces gestes-là, en étant seul, avec le stress, sur un bateau qui bouge dans tous les sens. »
Formés aux premiers secours, les concurrents sont aussi tous équipés d’une trousse à pharmacie. « L’objectif est de ne pas avoir besoin de réfléchir quand il nous arrive quelque chose », explique Benjamin Ferré. Que ce soit pour traiter des maux de tête, une éruption cutanée liée à l’humidité, au sel et aux frottements ou soigner une blessure plus importante. « On a une pharmacie très militarisée dans son organisation. Tout est classé et codifié par catégories de pathologie. Par exemple, si j’ai un ongle infecté, je regarde la pathologie dans la catégorie peau. Ça me donne un médicament référencé T14. Je n’ai qu’à ouvrir la pharmacie et prendre T14. »
Une pharmacie très militarisée dans son organisation
Une pharmacie très militarisée dans son organisation
Benjamin Ferré, skipper Monnoyeur-Duo for a Job
« Il y a un vrai travail sur la constitution de la pharmacie pour que ce soit le plus simple d’utilisation », soutient Louis Burton (Bureau Vallée 3), malheureusement contraint à l’abandon , le 5 décembre dernier. « C’est un gain de temps et d’énergie. » Benjamin Ferré peut en témoigner : blessé à l’arcade sur l’une de ses premières courses à la voile, il ne connaissait pas bien sa trousse de secours. « J’ai galéré à trouver ce qu’il me fallait, pour au final me soigner avec un bout scotch », se souvient-il. « J’ai compris que, si je voulais ne pas me disperser, il fallait que j’y consacre du temps avant le départ. »
Néanmoins, là non plus il n’est pas question de jouer les apprentis pharmaciens. « Pour la moindre prise de médicament, même un Doliprane, je le signale à l’un des médecins qui suit la course H24″, indique à TF1info Yoann Richomme (Paprec-Arkéa), repassé en tête de la course après 15 jours à chasser Charlie Dalin (Macif). « De cette manière, il y a un suivi permanent de mon état de santé. S’il vient à se dégrader, ça leur permet de savoir exactement ce que j’ai déjà ingéré et à quel moment. »
Cette assistance médicale, fournie par trois médecins, sous la direction de Laure Jacolot, médecin-cheffe du Vendée Globe, est la seule épaule sur laquelle les marins, confrontés à un environnement hostile et éloignés de toute terre, peuvent se reposer. « Si j’ai un bobo, je les appelle tout de suite », confie Samantha Davies. « Un petit problème peut devenir grave très vite, surtout lorsqu’on se trouve dans des conditions loin d’être normales. » « Notre vie peut être engagée à tout moment », ponctue Yoann Richomme. « On va dans des latitudes où les secours peuvent mettre une semaine voire dix jours à arriver par endroits, dans le meilleur des cas. On doit être paré à tout pour survivre. »