• Les Vérificateurs de TF1info vous proposent en partenariat avec l’Inserm une série consacrée aux fausses informations qui accompagnent l’arrivée d’un enfant.
  • Pour ce dernier épisode, nous avons enquêté sur ces parents influenceurs qui alimentent un business en ligne.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

Ils viennent des beaux-parents, des collègues ou des amis qui sont déjà passés par là. Les demi-vérités et les conseils contradictoires accompagnent régulièrement les discussions des futurs et des jeunes parents. Un phénomène qui s’accentue à l’heure des réseaux sociaux, avec l’avènement des influenceurs spécialisés en « coaching » pour parents fatigués ou pseudo-experts en « éducation positive ». Alors après avoir démêlé le vrai du faux dans une série d’articles (nouvelle fenêtre)réalisée en partenariat avec l’Inserm, nous avons enquêté sur ces parents influenceurs qui alimentent un juteux business en ligne.

Vaccination, allaitement et éducation, cibles de la désinformation

Car si les idées reçues sur la parentalité ont toujours existé, elles sont largement véhiculées sur les réseaux sociaux. Sur TikTok, une jeune femme (nouvelle fenêtre)explique par exemple que le sucre présent dans une part de brioche aurait suffi à rendre sa fille hyperactive, adoptant le comportement d’une « junkie ». Une autre partage sur Instagram ce raccourci trompeur (nouvelle fenêtre)selon lequel quelques compléments alimentaires permettraient de lutter contre l’infertilité. Une dernière assure que le non-allaitement serait « dangereux » ou qu’il « diminuerait l’intelligence » des nouveaux-nés. Celle-ci est même allée jusqu’à diffuser cette rumeur (nouvelle fenêtre)folle sur la création d’un utérus artificiel en Chine.

Parmi ces parents influenceurs, certains colportent également des avis dangereux. Auprès de ses 17.000 abonnés, celle qui se fait surnommer « Nina narre » remet régulièrement en cause la vaccination, notamment celle contre la coqueluche (nouvelle fenêtre), qui ne « servirait à rien », comme elle le dit en commentaires. Or, rien que l’an dernier, 13 nourrissons sont décédés de cette maladie très contagieuse (nouvelle fenêtre), faute d’immunité. Autant de fausses informations que nous avons démystifiées avec les chercheurs les plus aguerris de l’Inserm, quand ces influenceurs ne s’appuient pas toujours sur des études solides. Interrogée sur ses sources, l’une d’elles reconnaît ainsi ne « pas perdre son temps à faire des bibliographies gratuites ». « Mes contenus gratuits sont de l’info solide. Point », écrit-elle, réservant ses seules « sources détaillées » pour des contenus payants.

Si certains usent et abusent des fausses informations, d’autres versent dans la caricature. À l’instar de certains parents défenseurs de la « parentalité positive ». Parmi eux, ceux qui n’ont qu’un mot à la bouche, le cortisol (nouvelle fenêtre). Cette hormone, produite en situation de stress, est présentée comme « mauvaise pour le cerveau » des enfants. S’il est vrai que des situations de maltraitances psychologiques ou physiques vont induire un stress chronique, et donc une production de cortisol augmentée de manière durable, une hausse de ce taux de manière modérée n’a aucun impact, puisque cette hormone est produite et libérée quotidiennement. « Les études n’ont actuellement pas montré que les situations du quotidien ont un retentissement tel qu’il y a des conséquences au niveau cérébral », comme le résumait l’endocrinologue Docteure Pauline Sevin (nouvelle fenêtre).

Mais surfer sur l’existence de cette hormone – et la crainte chez les parents d’un impact sur le cerveau de leur progéniture – c’est « bon pour leur business », comme le souligne Marie Chetrit auprès des Vérificateurs. « Sur les réseaux, ce qui génère de l’engagement, c’est tout ce qui est scandaleux, inquiétant, sujet à caution », relève l’autrice du Guide anti-fake news de la parentalité (nouvelle fenêtre)

Un business en pleine croissance

Un système bien connu de ces influenceurs, du propre aveu de l’un d’eux. Père au foyer et étudiant en médecine, Samuel Clot a reconnu, le 7 juillet, avoir tenté de satisfaire les algorithmes, quitte à tomber dans la caricature. Repenti de cette pratique, il admet avoir « participé » à la polarisation du débat au sujet de l’éducation. « Je me suis rendu compte qu’en fait, pour attirer le plus de trafic sur ma page Instagram, il faut que je sois dans les extrêmes, il faut que je caricature mes propos », lance-t-il face caméra, regrettant qu’il existe « zéro place pour la nuance, zéro place pour la mesure ». Or, c’est précisément ce dont a besoin la science. « Les données scientifiques sur ces sujets éducatifs sont bien plus complexes que ce qui peut en être partagé sur les réseaux » résume la docteure en sciences (nouvelle fenêtre)

Agrandir son audience, c’est aussi développer son business. C’est d’autant plus vrai dans ce que les experts en influence appellent « l’insta-parentalité ». Selon l’expression (nouvelle fenêtre) d’une agence d’influenceurs, ce secteur « génère un public ultra-engagé et fidèle ». « La parentalité génère naturellement des questionnements, des doutes et un besoin de partage », poursuit cette agence spécialisée en « marketing d’influence famille » sur son site (nouvelle fenêtre). « Les contenus liés à la famille suscitent donc spontanément des réactions, commentaires et conversations », abonde Marie Chetrit. « La parentalité, c’est de l’affect, de l’amour. Les parents sont très sensibles à ces leviers, le bien-être de l’enfant, le bien-être psychique. Ils tentent de se documenter. » Une multitude de sentiments qui « entrent en jeu ». « Et les influenceurs parentaux ont bien compris qu’il y avait matière à réaliser du profit. »

Les parents influenceurs touchent effectivement « une audience au fort pouvoir d’achat », d’après l’agence spécialisée dans le marketing d’influence. Ces contenus publiés sont en nette croissance, avec une hausse de 25% entre 2024 et 2025, selon une étude de cette agence.

Pour 47% de ces parents influenceurs, cette activité est même devenue leur seule principale source de revenus, d’après une étude (nouvelle fenêtre)réalisée par l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique. Publiés en 2023 – soit avant la hausse actuelle de cette tendance – ces travaux dévoilaient que 4% d’entre eux gagnent même plus de 50.000 euros mensuels. Dans le détail, les parents touchent de l’argent principalement grâce à de la pub sur les vidéos, tandis que 18% vivent des abonnements à des contenus privés, comme des formations.

Des formations à plus de 4.000 euros

C’est dans ces formations que se sont spécialisés certains acteurs. Au-delà de publier régulièrement des « généralisations abusives, des raccourcis scientifiques et des approximations », comme les décrit Marie Chetrit, certains partagent des injonctions à devenir plus « zen » pour « aider l’enfant » ou être « réellement bienveillant ». Et ce, forcément, en proposant du coaching personnalisé, des directs contre un abonnement, des conférences payantes. Ainsi, on trouve en bio de certains de ces comptes des liens vers des cours en ligne particulièrement onéreux. L’influenceuse « Nina Narre », citée plus haut, propose par exemple une formation « Non merci, pas de péri », en référence à la péridurale, qui comprend l’accès à des « programmes inédits » contre la somme de 4.320 euros. 

Une influenceuse parentalité propose une formation « pas de péri(durale) » pour 4320 euros – Capture d’écran

Un paradoxe pour notre interlocutrice. « Ces personnes expliquent que le corps sait faire, que ce serait l’interventionnisme médical qui provoque des problèmes, tout en proposant des programmes exclusifs contre des sommes astronomiques. » Preuve irréfutable que la connaissance scientifique est loin d’être le cœur d’activité de ce type d’acteurs, un échange découvert entre l’une d’elles et une abonnée. Sous une publication au sujet de la vaccination, une femme enceinte en quête de réponse cherche à en savoir plus sur la meilleure démarche pour protéger son futur bébé. Ce à quoi l’intéressée réplique en l’invitant à télécharger son application, à près de 30 euros par mois après une semaine d’abonnement offert. 

C’était le dernier épisode de notre série sur les « fake news sur la parentalité ». Mais si vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable, n’hésitez pas à nous écrire à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.

Felicia SIDERIS

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