- Une publication sur X affirme que les tendances du niveau de la mer à Brest n’ont pas augmenté ces dernières années, rejetant toute inquiétude à ce sujet.
- Pourtant, elle relaie elle-même un graphique montrant bien une hausse constante de ce niveau depuis le début du XIXe siècle.
- Et surtout, cette augmentation s’est encore accélérée ces dernières décennies, justifiant les alertes à ce sujet.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
Retrait du trait de côte, érosion, constructions submersibles… L’adaptation face à la hausse du niveau de la mer est devenue ces dernières années une urgence pour nombre de communes du littoral français (nouvelle fenêtre). Pourtant, une publication sur X (nouvelle fenêtre) diffusée lundi 27 octobre par l’« Association des Climato-Réalistes »
assure qu’à Brest, « aucun signe d’évolution préoccupante n’a été détecté »
à ce sujet. Elle en veut pour preuve la publication d’un « livre blanc »
sur le sujet, qui montrerait que « les tendances du niveau de la mer observées en 2015 »
dans la commune bretonne « se confirment »
. Mais est-ce réellement le cas ?
Une hausse continue… pourtant bien montrée par le graphique publié
Premier élément frappant, le graphique partagé par le compte lui-même montre une hausse continue du niveau de la mer à Brest depuis le début du XIXe siècle, passant de 6.900 mm environ vers 1807 à près de 7.100 pour les dernières mesures, aux alentours de 2020. Le niveau moyen de la mer dans la commune se situe aux alentours de 4,2 mètres à l’heure actuelle, mais ces données ne sont pas référencées au zéro hydrographique.
Ce graphique est issu d’un « livre blanc »
(nouvelle fenêtre) publié initialement en 2015 et « mis à jour »
en 2023 par la Société de Calcul Mathématique, abrégée SCM, qui se décrit sur LinkedIn (nouvelle fenêtre) comme une « PME qui réalise des modèles mathématiques »
. Tout indique que ces données sont crédibles : elles se rapprochent bien de celles de la plateforme internationale de référence sur le niveau de la mer, Permanent Service for Mean Sea Level (PSMSL) (nouvelle fenêtre) – à la nuance près que la hausse sur les toutes dernières années est plus marquée selon ce service scientifique. D’après lui, le niveau a grimpé d’environ 26 cm entre 1807 et 2023.
Dans son étude, la Société de Calcul Mathématique se réfère aussi au Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) (nouvelle fenêtre), à la renommée internationale, qui réalise bien des mesures du niveau de la mer depuis 1846 à Brest, où elle entretient un marégraphe. Ses données corroborent celles du PSMSL : la courbe de la montée des eaux renseignée sur son site SONEL (nouvelle fenêtre) (Système d’observation du niveau des eaux littoral) est similaire. Contactée, l’agence gouvernementale nous précise par ailleurs que la thèse de son expert Nicolas Pouvreau, cité dans le « livre blanc »
, montre « que le niveau moyen de la mer a augmenté d’environ 30-35 centimètres en 300 ans »
à Brest, depuis les toutes premières mesures disponibles dès 1711.
Au vu de toutes ces données, il faudrait donc en conclure que la hausse de la mer se poursuit depuis le début du XIXe siècle à Brest. Un effet direct du dérèglement climatique (nouvelle fenêtre), qui entraîne une dilatation des océans à cause du réchauffement mais aussi la fonte des glaces (nouvelle fenêtre). Mais ce n’est pas ce que retient l’« Association des Climato-Réalistes »
: son message insiste sur les « tendances »
de la dernière décennie, qui seraient rassurantes. « Les tendances mises en évidence en 2015 se maintiennent à ce jour et il ne s’est produit aucun phénomène qui puisse justifier une inquiétude particulière »
, appuie le « livre blanc »
de la SCM.
Seulement 10 cm en plus « au terme des cent ans à venir », vraiment ?
Pourtant, les relevés scientifiques indiquent bien l’inverse : la hausse du niveau de la mer à Brest s’est encore accentuée ces dernières décennies. Selon le PSMSL, il a grimpé de 23 cm environ rien qu’entre 1975 et 2023. « On peut noter
une accélération
(nouvelle fenêtre) depuis les années 1980″
, abonde Marie Dauguet, cheffe du département marée-courants du SHOM. Sur les 30 dernières années plus particulièrement, entre 1995 et 2025, l’agence calcule « une élévation moyenne de 3,5 mm/an »
à partir des données de son marégraphe, alors même que la SCM avance de manière générale une « élévation moyenne est de 1,03 mm par an »
.
Par ailleurs, cette dernière assure que « les résultats diffèrent d’une année sur l’autre et même d’une décade à l’autre »
, une « très grande variabilité »
selon elle « vraisemblablement liée à la variabilité du climat »
, effaçant donc tout lien avec le dérèglement climatique (nouvelle fenêtre).
Le niveau de la mer a en effet pu baisser ponctuellement d’une année sur l’autre. « Il a toujours fluctué, c’est un phénomène qui comporte des oscillations : sur une toute petite période, il peut y avoir des baisses dans la tendance à la hausse »,
note Paul Tréguer, océanographe et professeur émérite à l’Institut Universitaire Européen de la Mer. « Mais sur les dernières 50 années, cette tendance reste quand même tout à fait incontestable. Ce qui permet aux climatologues d’être très affirmatifs à ce sujet »
, tempère l’auteur de L’Océan est-il le maître du climat ?
(éditions Apogée).
Quant aux décennies futures, le « livre blanc »
affirme qu’« au terme des cent ans à venir, on peut s’attendre à une élévation de 103 mm, ou 10,3 cm »
du niveau de la mer à Brest. Pourtant, l’accélération de l’augmentation de ce niveau « devrait s’intensifier dans le futur, avec une vitesse de 5,9 mm/an sur la période 2080-2100, pour un réchauffement atmosphérique mondial de 3°C »
, la trajectoire de référence actuellement de l’État français, note l’Observatoire de l’Environnement en Bretagne (OEB) sur son site (nouvelle fenêtre). Ce qui représenterait donc 11 cm environ en plus, en 20 ans seulement… au lieu de 10 cm à l’échelle d’un siècle.

« La montée du niveau des océans se poursuivra tout au long du siècle, et même au-delà »
, poursuit l’institution. Elle relève ainsi que selon le 6e rapport du Giec, les experts climatiques de l’ONU, « le niveau de la mer pourrait grimper, à Brest et par rapport au niveau 2020, de 35 à 56 cm, selon le degré de réchauffement (de +2°C à
+4°C au niveau mondial
(nouvelle fenêtre)) »
. Et même jusqu’à « 64 centimètres si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas et que l’on atteint +5°C de réchauffement mondial »
.
Dans les décennies à venir, ce phénomène « rehaussera les
niveaux d’eau des tempêtes
(nouvelle fenêtre)«
, tandis que « les niveaux marins extrêmes »
comme les grandes marées « atteindront plus fréquemment le rivage, ce qui intensifiera
l’érosion des côtes
(nouvelle fenêtre) et augmentera la fréquence des submersions marines »
, met en garde l’OEB.
Des publications climatosceptiques récurrentes
En résumé, le niveau de la mer augmente de façon continue à Brest depuis le XIXe siècle, et cette hausse s’est encore accélérée ces dernières décennies. D’ici la fin du siècle, elle pourrait même atteindre jusqu’à 64 centimètres, dans le scénario le plus pessimiste du Giec.
En réalité, les messages trompeurs ont été diffusés par des voix qui versent souvent dans le climatoscepticisme. L’« Association des climato-réalistes »
, qui se targue sur X de « promouvoir un débat ouvert et libre sur l’évolution du climat »
, se fait constamment le relais de contre-vérités allant à l’encontre du consensus scientifique sur le climat, comme Les Vérificateurs l’expliquaient déjà en 2023 (nouvelle fenêtre). Sans nier l’existence d’un dérèglement climatique, elle remet en cause la responsabilité humaine dans le phénomène, pourtant décrite comme « sans équivoque »
par les experts du Giec.
Quant à la SCM, elle s’est déjà fendue de plusieurs prises de position climatosceptiques par le passé, à rebours des conclusions des experts de l’ONU. En 2015, dans un précédent « Livre blanc »
(nouvelle fenêtre)
intitulé « La lutte contre le Réchauffement Climatique : une croisade absurde, coûteuse et inutile »
, elle assurait qu’« il n’existe aucun fait, aucune donnée, aucune observation, qui permette de conclure que le climat soit
détraqué en quoi que ce soit »
. « Il n’y a pas de « réchauffement climatique », mais des variations du climat, comme il y en a toujours eu depuis 5 milliards d’années »
, assure aussi la PME dans un communiqué sur son site (nouvelle fenêtre).
Son fondateur Bernard Beauzamy est quant à lui référencé comme polytechnicien et ancien chercheur en mathématique sur la base dédiée à l’enseignement supérieur Idref (nouvelle fenêtre), mais sans aucune spécialité dans les études climatiques. Il compte parmi les quelque 700 premiers signataires de la « Déclaration mondiale sur le climat »
(nouvelle fenêtre), dans sa première version en 2019.
Cette tribune titrée « Il n’y a pas d’urgence climatique »
, qui revendique aujourd’hui plus de 2.000 signatures, compile des informations infondées contre le consensus scientifique sur le dérèglement climatique, comme l’expliquaient nos confrères de l’AFP Factuel (nouvelle fenêtre) et de Libération
(nouvelle fenêtre) en 2022. À son initiative, la « Climate Intelligence Foundation »
, ou « Clintel »
, une « fondation indépendante »
qui relaie des contenus remettant en cause l’existence même ou l’origine humaine de ce dérèglement. Un texte également signé par le fondateur de « l’Association des climato-réalistes »
, le mathématicien Benoît Rittaud.
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