Le 17 janvier 1975, la loi dite Veil, qui met fin à l’interdiction de l’IVG en France, est promulguée.
50 ans plus tard, les associations continuent de lutter pour que l’accès à l’avortement soit facilité, alors qu’une femme sur trois a recours à cet acte dans sa vie.
Le Planning familial alerte notamment sur les difficultés rencontrées en zone rurale.

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IVG inscrit dans la Constitution

50 ans plus tard, le combat reste plus que jamais d’actualité. Le 17 janvier 1975, la loi Veil est publiée au Journal officiel. Après plusieurs mois de débats, l’avortement est légalisé en France, permettant à des milliers de femmes de sortir de la clandestinité. Mais à l’occasion de cette date anniversaire, certaines associations alertent sur les difficultés qui existent encore pour accéder à cet acte médical. « On considère aujourd’hui que ça peut être le parcours de la combattante pour pouvoir accéder à un avortement », résume auprès de TF1info Sarah Durocher, présidente du Planning familial.

La désinformation sur Internet

En premier lieu, dès la prise d’informations pour se faire avorter, des difficultés surgissent. Dans un rapport publié en janvier 2024, la Fondation des femmes a ainsi dénoncé la forte présence de mouvements anti-IVGs sur les réseaux sociaux. Ceux-ci multiplient les messages pour dissuader d’avorter. Des contenus qui sont par ailleurs mis en avant par les algorithmes des plateformes, note cette étude, y compris à l’égard des mineurs.

« Meta a généré environ 43.750 euros grâce à 199 publicités anti-avortement sur Facebook entre mai 2022 et juin 2023. Au total, ces publicités ont enregistré 9,4 millions d’impressions« , dénonce ainsi ce rapport, réalisé avec l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), think thank qui lutte contre la montée des extrémismes. Si le délit d’entrave à l’avortement est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans et d’une amende pouvant atteindre 30.000 euros, un rapport d’information parlementaire présenté en septembre 2020 appelait à « réfléchir à une meilleure applicabilité et application du délit d’entrave à l’IVG sur Internet. »

Le manque de moyens dans les zones rurales

La plus grande difficulté « résulte essentiellement du désintérêt à l’égard d’un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant », note néanmoins ce rapport. « On sait que l’hôpital public vit des moments très compliqués et souvent, on sacrifie des services, dont celui de l’avortement, parce que ça rapporte peu d’argent à un hôpital », explique Sarah Durocher.

À partir d’une étude Ifop, son organisation, qui milite pour un accès inconditionnel à la contraception, à l’avortement, à l’éducation à la sexualité depuis 1956, et dont les associations départementales sont réparties partout en France, souligne ainsi qu’en plus des femmes immigrées, les femmes vivant en zone rurale sont les profils qui rencontrent le plus de difficulté à obtenir une IVG. « On sait qu’il y a plus de 25% de femmes qui sont obligées d’aller dans un autre département pour avorter », indique Sarah Durocher.

En plus d’un manque de structures et des délais d’attente jugés trop longs, le manque d’accessibilité dépend par ailleurs du manque de professionnels médicaux sensibilisés à cette question. 50 ans après le passage de la loi Veil, 63 % des femmes ayant eu recours à un avortement ont avant tout « peur d’être jugée ou d’avoir des remarques de la part des professionnels ou de l’entourage », souligne l’étude Ifop. 

Ce sentiment de culpabilité est également nourri par la clause de conscience propre à l’avortement, qui peut être apposée par les médecins pour refuser d’accomplir une IVG, estime Sarah Durocher. « Ça stigmatise l’avortement. C’est comme si c’était un acte qui n’était pas comme les autres. Alors que nous, comme ça concerne une femme sur trois, ce qu’on veut, c’est aider à la déculpabilisation », ajoute-t-elle.

Quelles solutions ?

C’est pourquoi le Planning appelle le gouvernement à supprimer cette clause de conscience. Dans un plan remis ce vendredi 17 janvier à la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé et du ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder, il est également recommandé, entre autres, de faciliter le parcours, avec un seul rendez-vous de suivi plutôt que trois comme c’est le cas actuellement, ou encore, d’étendre l’acte d’avorter à d’autres professionnels de santé.

En mars 2022, la loi qui a fait passer les délais légaux de 12 à 14 semaines de grossesse avait aussi donné le droit aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales, en établissement de santé. Si un premier décret avait émis des conditions restrictives, un deuxième décret a permis de faciliter les démarches et de permettre à ces professionnels de pratiquer les IVG instrumentales dans les mêmes conditions de sécurité que les médecins.

Tandis que de nombreuses associations saluent la portée symbolique de l’inscription dans la Constitution de la liberté de recourir à l’IVG, en mars 2024, de nombreux obstacles sont donc encore à abattre pour que cela soit respecté dans les faits. « On ne peut pas, en France, juste dire qu’on a mis l’avortement dans la Constitution et de l’autre côté, ne pas donner les moyens aux femmes qui sont en demande d’avortement. Nous, on utilise cette inscription comme une obligation maintenant du politique à agir concrètement », insiste Sarah Durocher.


Aurélie LOEK

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