Alitée, équipée d’un système d’assistance respiratoire, Zahra, 12 ans, a le visage déformé et le regard triste. Soucieuse de la rassurer, sa mère, Ghalia (comme la plupart des personnes interrogées, elle a demandé que son nom de famille ne soit pas mentionné), murmure affectueusement : « Ma chérie, tout s’arrangera, et tu seras encore plus belle qu’avant. » L’enfant reste impassible, comme si elle n’y croyait pas, dans le studio où la famille est temporairement installée, à Hamra, un quartier de l’ouest de Beyrouth.

Zahra a été défigurée et blessée au bras lorsqu’un missile s’est abattu là où elle vivait, à Deir Al-Zahrani, une localité du sud du Liban, au premier jour de la guerre lancée par Israël contre le Hezbollah. Elle a des années d’opérations chirurgicales devant elle. Selon le ministère de la santé, les civils forment la majorité des plus de 2 700 personnes qui ont été tuées dans la campagne de bombardements commencée le 23 septembre.

Transportée à proximité, dans un hôpital privé de Nabatiyé débordé par l’afflux de patients et dépourvu de spécialistes en chirurgie reconstructrice, la jeune fille « a saigné pendant deux jours. Un de plus et elle serait morte », retrace avec effroi sa mère. Puis elle est transférée à l’hôpital de l’université américaine de Beyrouth (AUBMC), grâce au docteur palestino-britannique Ghassan Abu Sittah. Le médecin a mis sur pied un fonds, financé par des membres de la diaspora palestinienne et des Occidentaux, qui prend en charge les frais de logement de la famille – les parents, Zahra, son frère et sa sœur plus jeunes – et les interventions que la jeune fille doit subir. Une mâchoire inférieure artificielle va lui être implantée.

Lancé en décembre, deux mois après le début de la guerre israélienne à Gaza, le 7 octobre 2023, menée en représailles à l’attaque du Hamas dans le sud de l’Etat hébreu, qui a fait 1 200 morts, le fonds était destiné, à, l’origine, à offrir, à Beyrouth, des soins de chirurgie reconstructrice et un accompagnement à de jeunes Palestiniens, rescapés de l’enclave. Des enfants libanais bénéficient désormais aussi de cette aide. Spécialisé en reconstruction faciale, Ghassan Abu Sittah avait « réparé », durant la décennie 2010, des dizaines de « gueules cassées », blessées dans les guerres de Syrie et d’Irak.

Lire le portrait | Article réservé à nos abonnés Ghassan Abu Sitta, le docteur qui répare les « gueules cassées » du Proche-Orient

A l’automne, après avoir accouru à Gaza comme il le fait à chaque offensive israélienne, il n’a pas quitté le service des urgences pendant quarante jours, opérant sans discontinuer les victimes des bombardements israéliens. Ces tirs ont causé la mort de plus de 43 000 Palestiniens en treize mois et transformé la bande de Gaza en un immense champ de ruines. Lorsque le premier bénéficiaire du fonds, un jeune Gazaoui nommé Adam, au bras gauche en charpie, arrive à Beyrouth au mois de mai, le Liban est instable, mais peu croient à une guerre totale. Les diplomates occidentaux considèrent alors que le Hezbollah se satisfait du conflit de basse intensité qu’il a ouvert contre Israël, en soutien au Hamas, et veille à ce que cette confrontation ne déborde pas de la zone frontalière.

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