Dans l’épicerie à l’entrée du quartier chiite de Khandak Al-Ghamik, au centre de Beyrouth, la caissière est inconsolable. Coiffée d’un voile sombre, la jeune femme libanaise n’arrive pas à retenir ses larmes depuis que le Hezbollah a confirmé, en début d’après-midi, samedi 28 septembre, la mort de son chef, Hassan Nasrallah, tué dans une frappe israélienne la veille dans la banlieue sud, un fief du parti chiite. De nombreux chiites avaient développé un sentiment d’intimité avec le leader charismatique.

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Tout autour de l’épicerie, le temps paraît suspendu. Des hommes mutiques, la mine sombre, attendent une consigne concernant les cérémonies, assis sur des chaises en plastique. Un homme a des bandages à chaque main et au visage, comme de nombreuses recrues du Hezbollah, blessées par l’explosion de leur bipeur, du fait d’un sabotage imputé à Israël, il y a dix jours. Des hommes restent debout sous le porche d’un immeuble, à l’abri d’éventuelles balles perdues. Des saccades de tirs résonnent dans les airs à intervalles réguliers, en hommage au « martyr ».

Au cœur du quartier, l’ambiance est électrique. Les jeunes sont à bout de nerfs, entre colère et sentiment d’abandon. Aucune directive ne leur a encore été donnée par la direction du parti chiite. Les responsables locaux du Hezbollah ne sont pas certains de pouvoir les gérer. Les journalistes sont invités à rester à l’écart en ce moment de recueillement et d’affliction, qui peut à tout moment déborder.

Dans un café de Beyrouth, le 28 septembre 2024. La télévision diffuse en direct des images de la banlieue sud de la capitale libanaise.

La stupeur tient d’abord à la vitesse avec laquelle le Hezbollah, mouvement politique et militaire, qui avait acquis la stature de puissant acteur non étatique régional, a été décapité. « En dix jours, l’histoire s’est accélérée, note Ali Mourad, professeur et militant politique. Le Hezbollah a subi des pertes substantielles, même s’il faudra voir ce qu’il reste de l’organisation. »

« Il était tout pour nous »

« La communauté a perdu ses repères. Elle a perdu son leader absolu, qui symbolisait sa force et son hégémonie sur la scène politique libanaise », poursuit M. Mourad. Le sentiment de puissance et de fierté que projetait Hassan Nasrallah, dont l’aura était inégalée au sein de la communauté chiite, laisse place à la vulnérabilité.

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« La mort du sayyed Nasrallah ne va pas casser le mouvement mais elle brise notre cœur. Il était tout pour nous, et tout pour le Liban, comme un père, comme une idole. On a grandi avec lui. Il nous montrait le chemin. Ils l’ont tué car ses objectifs étaient grands », dit Hussein (le prénom a été changé), les yeux rougis. Il a perdu neuf membres de sa famille lors des frappes sur la banlieue sud, cette semaine. Ce bénévole du Parti de Dieu, âgé de 21 ans, distribue de l’eau aux déplacés, qui ont trouvé refuge la nuit dernière sur la place des Martyrs, au centre de Beyrouth.

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