Devant l’entrée de la grotte de glace, un homme donne quelques coups de pelle avant l’arrivée du flot de visiteurs. A 34 ans, Antoine Claret-Tournier exerce la profession de « grottu » : il est chargé, pour la Compagnie du Mont-Blanc, de creuser et d’entretenir un labyrinthe de 165 mètres, excavé à l’intérieur du glacier.

Tous les ans, tel Sisyphe poussant son rocher, il creuse une nouvelle grotte à l’aide d’un petit tunnelier – un travail de quatre mois. En 2023, celle-ci a fondu trop vite et n’a même pas tenu la saison. Il a fallu en aménager une autre plus vite que prévu. Pas question, pour le moment, d’y renoncer : la grotte est très attendue par les visiteurs de la mer de Glace. Cette année-là, 450 000 personnes sont venues sur ce site touristique majeur de Haute-Savoie. Pour 38 euros, ils ont emprunté un antique petit train rouge (mis en service en 1909) qui part de Chamonix, puis une télécabine qui mène au pied d’un glacier encaissé entre deux flancs de montagne. Le monde entier s’y donne rendez-vous : le jour de notre passage, le 2 avril 2024, on y croisait des Français de toutes les régions, des Américains, des Argentins, des Espagnols, des Chinois…

La nouvelle télécabine reliant le train du Montenvers à la mer de Glace, en contrebas. A Chamonix (Haute-Savoie), le 2 avril 2024.

« De nouvelles marches ajoutées chaque année »

Et les visiteurs pourraient être encore plus nombreux dans les années à venir, car, depuis février, une nouvelle télécabine a changé l’accessibilité du site. Plus rapide, avec plus de capacité, cette remontée mécanique à 23 millions d’euros permet d’éviter l’interminable escalier de 600 marches que l’on empruntait (dans les deux sens !) pour atteindre le pied du glacier.

« Pour les personnes âgées, les enfants, c’était devenu très compliqué. Comme le glacier fond, on devait ajouter de nouvelles marches chaque année. On a fait le choix de déplacer la télécabine, pour avoir plus d’années d’exploitation devant nous », explique Stéphane Seux, le directeur de ce site, le Montenvers, exploité par la Compagnie du Mont-Blanc.

Désormais, l’accès est tout confort, avec un nombre de marches très réduit. « Et puis, pour les skieurs de la vallée Blanche, qui terminent leur parcours à cet endroit, ce sera beaucoup plus confortable. On va pouvoir faire davantage de rotations », ajoute Pierre Schropff, de la Compagnie des guides du Mont-Blanc, qui accompagnait ce jour-là deux Américains dans ce « hors-piste » mythique de Chamonix.

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Il y a pourtant quelque chose de paradoxal, voire de légèrement morbide, à organiser la venue de milliers de visiteurs vers un site dont la disparition est annoncée. Car la mer de Glace est l’un des lieux touristiques où le changement climatique est le plus visible. Le glacier fond à une vitesse affolante : depuis 1991, il a perdu, au niveau de la gare d’arrivée du train, plus de 100 mètres.

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