Shaïma Al Ghol ne quitte pas des yeux l’écran de la télévision allumée au-dessus de son lit d’hôpital. La bouche bée, elle regarde les images de la chaîne qatarie Al-Jazira montrant les décombres des derniers bombardements israéliens dans la bande de Gaza. « Ma famille est toujours là-bas, dit cette Palestinienne de 33 ans, ses deux jambes pansées allongées sur le lit. Je suis ici, à Doha, mais mon père, mon frère, ma mère, ma sœur et sa famille vivent tous dans une tente à Rafah. Comment ne pas suivre les infos ? »

La maison de Shaïma, située dans le sud de la bande de Gaza, a été bombardée le 12 février. Son mari, Abdallah, leur fille, Jinan, âgée de 10 ans, et leur fils, Mohamed, 15 ans, ont été tués tous les trois. Depuis le 18 mars, avec ses deux enfants en vie, Hodayfa et Maryam, et sa belle-sœur, Shaïma est au Qatar, hospitalisée à l’hôpital Hamad, spécialisé en chirurgie. Depuis le début de la guerre avec l’Etat hébreu, le 7 octobre 2023, à la suite de l’attaque sanglante du Hamas en Israël, le Qatar a évacué plus de 2 300 Gazaouis, dont environ 800 pour raison médicale.

Sur son téléphone portable, la jeune femme montre une vidéo de Hodayfa, filmée juste après le bombardement de leur maison. Le visage et le corps du garçon de 10 ans sont couverts de poussière, alors qu’il vient d’être retiré par un voisin des gravats de l’immeuble effondré. « Mes frère et sœurs et mes parents sont piégés sous les décombres », crie-t-il en pleurs. Une autre photo, enregistrée précieusement dans le téléphone de Shaïma et devenue virale, montre le corps sans vie de sa fille Jinan, accrochée à un mur à la suite de l’explosion.

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La survivante du bombardement est restée inconsciente pendant des jours, les jambes et le dos criblés d’éclats de munitions. Elle a subi 47 opérations. Son fils, qui marche avec une béquille, une dizaine. Le visage toujours souriant, Shaïma explique que son défunt mari « n’est pas encore venu » dans ses rêves. « Mais mon frère l’a vu une fois. Abdallah lui a donné un chocolat pour moi. Et, une autre fois, sa nièce l’a vu. Abdallah lui demandait comment j’allais. Mais pourquoi ne vient-il pas me voir directement ? Il va finir par venir. Oui. Inchallah ! »

« Quelle maison ? »

Lorsqu’on lui demande comment, après tant de drames, elle arrive encore à sourire, Shaïma hausse le ton : « Vous voulez que je pleure ? Pleurer ne nous a jamais servi. Si je pleure devant mes enfants, ils s’effondreront. » Hodayfa, lui, pleure la nuit. Sa mère essaie de le distraire. Elle-même a craqué une fois, quand ses enfants sont partis dans un centre commercial proche de l’hôpital.

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