De l’empire colonial français au régime d’apartheid en Afrique du Sud, les politiques urbaines sont de puissants instruments au service de projets politiques de domination. Intrinsèquement liées aux questions de mobilités, de logement, d’accès au foncier et aux services urbains, les politiques d’aménagement du territoire matérialisent dans l’espace un agenda politique et idéologique, mais aussi des rapports de force.
Depuis leur occupation par Israël en 1967, les territoires palestiniens en sont un exemple frappant. Les politiques d’aménagement à l’œuvre visent à remodeler l’espace, les dynamiques de peuplement et le quotidien des habitants.
Cet « urbanisme de conflit » est au cœur de la stratégie israélienne d’occupation et d’annexion de nouveaux territoires, de séparation spatiale des communautés et de reconfiguration d’un paysage dépourvu de son identité palestinienne. Ce « côté obscur de l’urbanisme », comme le nomme le géographe israélien Oren Yiftachel, est aujourd’hui largement documenté par les rapports des agences onusiennes et nombre d’organisations non gouvernementales
Mécanisme d’invisibilisation
Expropriations massives, réduction des zones constructibles pour les Palestiniens, mise en place d’un réseau routier séparé et de villes nouvelles qui matérialisent l’entreprise de colonisation territoriale, ces politiques mises en œuvre par des gouvernements de droite comme de gauche permettent aujourd’hui à plus de 700 000 Israéliens de vivre en Cisjordanie occupée.
La configuration spatiale de ces villes nouvelles, planifiée avec le concours de l’armée, n’est pas laissée au hasard. Placées en hauteur et disposées de l’est vers l’ouest, elles viennent morceler la continuité territoriale d’une Cisjordanie qui s’étend, de manière longitudinale, du nord vers le sud pour mieux imposer la souveraineté israélienne. Le gouvernement israélien a récemment autorisé l’urbanisation de la zone E1, un espace stratégique situé à l’est de Jérusalem. Sa construction pourrait définitivement rompre toute viabilité territoriale d’un Etat palestinien, qui ressemble aujourd’hui davantage à un ensemble de bantoustans [les homelands noirs créés à l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud].
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