Assise dans l’arrière-boutique de sa pharmacie, Eva Lati résume les raisons de son inquiétude pour Homs, la ville où elle habite, au centre de la Syrie. « La peur est diffuse, les armes sont présentes partout. » La quinquagénaire, de confession chrétienne, habite le quartier d’Al-Arman, où cohabitent des membres des minorités syriennes, notamment des alaouites, la branche du chiisme qui servait de socle au régime Al-Assad, ainsi que des sunnites. A la différence de la plupart de ses voisins, elle s’est réjouie de la chute de l’ex-président, début décembre 2024. Le portrait de son mari, Waël Qastoun, sculpteur et homme de gauche, mort en détention après avoir été arrêté par l’ancien pouvoir en 2012, est placardé sur un mur de la pharmacie.

Début décembre, lorsque les troupes de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), la formation islamiste, dirigée par Ahmed Al-Charaa, qui gouverne aujourd’hui la Syrie, se sont rapprochés de Homs, troisième agglomération du pays, cette femme de caractère s’est pourtant réfugiée dans le berceau familial, le village chrétien de Marmarita, plus à l’ouest. « Je craignais des affrontements, un cycle de vengeance. Notre quartier est considéré comme prorégime. De nombreuses personnes liées aux anciennes forces militaires y résident. » Les combats n’ont pas eu lieu, mais le spectre de la violence continue de planer sur la ville. « Les magasins ferment de bonne heure », note la pharmacienne.

En raison de sa diversité confessionnelle qui en fait une Syrie miniature, de l’histoire sanglante et tumultueuse qui fut la sienne durant la guerre civile et de la coexistence aujourd’hui en son sein de fouloul (terme qui désigne les partisans de l’ancien régime) et d’anciens rebelles, Homs est considérée comme une ville-test de la « nouvelle Syrie ». Celle où les ennemis d’hier scelleront leur réconciliation sur fond de justice transitionnelle ou bien, au contraire, celle qui basculera dans les règlements de compte et un nouvel arbitraire, contaminant, dans l’un comme dans l’autre cas, le reste du pays.

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