Près de deux mois après avoir fui, Vera Belobrova vit encore en état de choc. A Koursk, la capitale de la région russe partiellement occupée par l’armée ukrainienne depuis son attaque le 6 août, cette frêle grand-mère de 85 ans raconte les drones sur son petit village près de la frontière, sa maison détruite et son potager abandonné, sa cachette avec des enfants dans le monastère local ciblé par les tirs ennemis, la longue marche à travers la forêt, la voiture récupérant quelques rescapés en fuite. Puis l’arrivée à Koursk, où, désormais, Vera Belobrova vit dans un centre d’hébergement provisoire au fond du parc de l’une des universités de la ville. « J’ai survécu à la guerre de 1941-1945, et voilà que l’horreur recommence », murmure-t-elle entre deux sanglots.

Dans son récit, la babouchka mêle ses souvenirs d’enfance de 1943, date de la grande bataille de Koursk entre l’armée rouge et l’Allemagne nazie, et ceux de sa fuite d’août avec l’un de ses petits-fils. Assise sur un lit métallique dans une chambre partagée avec trois autres femmes évacuées, elle cogne d’une main son front, serre de l’autre son mouchoir.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La Russie mène une contre-offensive dans la région de Koursk pour déloger les troupes ukrainiennes

Vera Belobrova parle dans un mélange de russe et d’ukrainien, car, comme beaucoup d’habitants de cette région frontalière, sa vie et sa famille sont déchirées entre les deux pays. Sa fille est depuis longtemps installée à Kharkiv, la ville ukrainienne visée par l’armée russe. « Là-bas aussi, c’est la guerre et les gens souffrent », glisse-t-elle. Dans les propos de Vera Belobrova se bousculent ses mots à elle, mais aussi les formules répétées à la télévision russe, sur « la victoire contre les nazis », en 1943 comme en 2024.

« Nous avons confiance en notre armée »

Habitués à vivre modestement, Vera Belobrova et les quelque cinq cents réfugiés installés à l’université agraire de Koursk se disent satisfaits des conditions d’accueil. La vie s’écoule entre les salles de dortoirs et une cantine avec trois repas par jour. Dans une classe, un père veille sur les enfants, qui, loin de leur école de village, suivent des cours en distanciel, regards rivés sur des manuels et des tablettes offerts par la région. Dans la cuisine et la laverie s’alignent fours à micro-ondes et machines à laver le linge. Ils sont flanqués de larges étiquettes aux couleurs de… Russie unie. Le parti du Kremlin finance ces équipements. Et il veille au bon accueil des réfugiés.

La cafétéria de l’université agricole, où un point d’hébergement temporaire pour les personnes déplacées de la région de Koursk a été établi. A Koursk, en Russie, le 26 septembre 2024.

« Pas des réfugiés. Des déplacés. C’est temporaire », corrige avec empressement Alexandre Moussial, le recteur de l’université, qui, lui-même membre de Russie unie, est l’organisateur en chef. Il a mobilisé étudiants et professeurs. « Nous avons confiance en notre armée pour que, rapidement, tous puissent bientôt rentrer à la maison », assure-t-il. Le discours officiel, répété à la télévision dans ce centre d’accueil comme à travers la Russie, affirme que la contre-offensive progresse.

Il vous reste 69.06% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version