Le Mémorial ACTe, à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), en 2019.

Dernier fait en date venu défrayer la chronique du Mémorial ACTe (MACTe, musée national de la traite négrière et de l’esclavage), la condamnation de l’ancienne directrice du musée (de 2019 à 2023) par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre, le 30 avril, pour favoritisme dans une affaire de marchés publics. Laurella Rinçon a été condamnée à un an d’emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d’amende, une inéligibilité de deux ans et autant de temps d’interdiction d’exercer un emploi dans la fonction publique.

Si Laurella Rinçon, directrice générale du MACTe de 2019 à 2023, a annoncé faire appel de la décision, la condamnation vient cruellement rappeler les défaillances de l’établissement, régulièrement blessé par des affaires judiciaires, financières et politiques.

Lire le récit : En Guadeloupe, l’ancienne directrice du Mémorial ACTe Laurella Yssap-Rinçon condamnée à un an de prison avec sursis

Inauguré en 2015, en présence du président de la République de l’époque, François Hollande, mais également de nombreux chefs d’Etat de la Caraïbe, le Mémorial ACTe avait suscité beaucoup d’espoirs. « Il a été conçu et bâti pour tenter de panser, voire de refermer les blessures de l’Histoire, dans une démarche “vérité et réconciliation”, comme ont su le faire Nelson Mandela et Desmond Tutu en Afrique du Sud », s’était réjoui le sénateur (Parti socialiste) Victorin Lurel, son initiateur, lors de la cérémonie. L’objectif affiché de l’époque : faire de cet établissement un centre d’exposition, de recherche et de connaissances sur la traite négrière et l’esclavage. Pour Jacques Martial, ancien directeur général du MACTe, actuellement adjoint à la maire de Paris chargé des outre-mer, le mémorial est « un objet culturel extraordinaire qui répondait à une béance sur un sujet, un besoin inexprimé, avec lequel on a fait des choses ».

Sous sa gouvernance, entre 2017 et 2019, le musée a accueilli des expositions notables : « Darboussier, au cœur des migrations » racontait l’histoire de cette usine de sucre de Pointe-à-Pitre, fermée en 1980 et symbole du cosmopolitisme guadeloupéen. Puis, les « Zoos humains. L’invention du sauvage » ou encore « Le Modèle noir. De Géricault à Picasso » décrivaient l’évolution des représentations des personnes noires dans la société occidentale.

« Décision consciente et pertinente »

Depuis, les initiateurs du musée ont déchanté. « Qu’ont-ils fait du Mémorial ACTe ? », écrivait Victorin Lurel, fin 2023, dans une tribune envoyée à la presse, clamant son « écœurement » « devant le gâchis que représente aujourd’hui ce qui devait être une œuvre majeure de notre politique mémorielle ». Oubliant toutefois au passage de rappeler une autre affaire, l’enquête du Parquet national financier, ouverte en juin 2019, sur des chefs de détournement de fonds publics et favoritisme concernant les marchés de la construction du musée, « susceptibles de constituer une atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne », selon une source judiciaire. L’enquête avait été lancée après un signalement de la Cour des comptes, dans un rapport sur l’utilisation des fonds européens en outre-mer, paru en février de la même année. L’ancien ministre des outre-mer (de 2012 à 2014) de François Hollande avait alors défendu son choix « de passer un marché global », une « décision consciente et pertinente ». Et s’étonnait que « les services régionaux soient incapables de justifier les choix qu’ils ont eux-mêmes suggérés ». Fin avril 2024, soit près de cinq ans plus tard, les locaux de la région et ceux du cabinet d’architectes et des aménageurs étaient perquisitionnés par des agents du Parquet national financier.

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