Des arbres de 35 mètres de haut, vieux de 180 à 200 ans. Ici, à La Teste-de-Buch (Gironde), les grands pins maritimes de la forêt usagère longeaient la dune du Pilat, près du littoral Atlantique. Près de 80 % d’entre eux ont brûlé lors des incendies ravageurs de l’été 2022, qui ont avalé 30 000 hectares de forêt dans le département. Sur les 8 500 hectares de la forêt usagère, 7 000 ont disparu.

Rapidement, après l’incendie, les propriétaires de cette forêt, la seule en France à obéir à des règles de gestion datant du XVe siècle – un contrat civil appelé les « baillettes et transactions » –, ont dû s’organiser pour mettre en place, comme le veut une transaction de 1917, la vente des bois sinistrés. Puis répartir les recettes entre les propriétaires, les communes usagères de la forêt et la caisse syndicale. Un chantier titanesque a ensuite débuté afin d’évacuer les bois morts ou mortellement atteints.

Deux ans de remise en état

Le paysage sinueux de cette riche forêt est désormais chaotique. Sur une parcelle où les feuillus ont commencé à repousser, Matthieu Cabaussel, vice-président de l’association syndicale libre (ASL) de la forêt, montre un pin de 1 an qui émerge du sol sablonneux. « Deux ans de chantier ont été nécessaires pour retirer le bois mort », explique-t-il. Un travail achevé à l’été 2024, appuyé par des experts, dont Julien Goullier-Lagadec, spécialiste en ingénierie forestière, et Jacques Hazera, pour la partie biodiversité.

Au cours de ce chantier, il a aussi fallu faire face à une invasion de scolytes, insectes coléoptères qui s’attaquent aux pins fragilisés. « On a pris une gifle : le feu a tout ravagé d’un côté, les scolytes de l’autre », se désole Matthieu Cabaussel, propriétaire d’une parcelle de la forêt, acquise par sa famille il y a une trentaine d’années. Sur sa propriété, 90 % des pins avaient été épargnés par les flammes, mais le scolyte a tout décimé. Matthieu Cabaussel fait l’inventaire des nouvelles plantes qui apparaissent depuis l’incendie, au milieu des jeunes pousses de pins : « Du teinturier, de l’érigéron du Canada, de l’ailante… » Autant d’espèces invasives apparues après les incendies, qui empêchent les pins de pousser dans des conditions optimales. « La fougère, par exemple, est le premier prédateur du jeune pin, qui a besoin de lumière », détaille-t-il.

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Une partie de la forêt ravagée par les flammes, à La Teste-de-Buch (Gironde), le 13 septembre 2024.

Sur le bord de la route, un panneau ajouté après les incendies signale une zone de chasse. Matthieu Cabaussel explique : « Il est important que les chasseurs viennent pour réguler la population de chevreuils. » Ce cervidé a pour habitude de brouter le bourgeon terminal du pin, ce qui l’empêche de se développer. Devant ce champ de ruines, le propriétaire forestier constate qu’il y a « un début de réponse, nous allons prendre le temps de tout remettre en place. Nous sommes encore dans cette phase de déséquilibre des conséquences du feu ». La période est donc à l’observation de la régénération naturelle de cette biodiversité, dont l’expertise forestière se poursuit. Pour tenter de préserver la souche originelle de ces pins maritimes bicentenaires, les syndics généraux ont prélevé près d’un million de graines issues de la forêt usagère. Une véritable banque de graines qui pourrait permettre d’accompagner la régénération naturelle là où elle sera le plus difficile.

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