Qui a dit que l’économie était largement décorrélée de l’agitation politique ? Qu’elle vit sa propre vie, du moins dans un système capitaliste où les lois du marché prévalent et où les acteurs peuvent largement s’abstraire des décisions de l’Etat ? Après tout, l’Espagne est le pays le plus performant d’Europe… sans budget depuis un an. L’axiome ne s’est pas vérifié en France : l’année 2024 a été plombée par une crise de régime sans précédent sous la Ve République, et 2025 s’ouvre dans un climat d’incertitude que la nomination de François Bayrou au poste de premier ministre n’a pas dissipé. Les acteurs économiques réclamaient stabilité et visibilité, ils n’ont obtenu ni l’une ni l’autre.

Les entreprises savent faire face à de multiples risques, au moins s’y préparer. Affronter de nouveaux concurrents, négocier un mouvement social, amortir la flambée des matières premières ou de l’énergie est leur pain quotidien. Elles cherchent de plus en plus à se prémunir contre les menaces systémiques, une cyberattaque, une crise financière ou des tensions géopolitiques, première de leurs préoccupations, et elles s’adaptent au changement climatique. Mais comment prédire un « cygne noir », un événement imprévisible aux effets dévastateurs comme la pandémie de Covid-19, qui a pris de court les gouvernements (moins les experts en santé publique).

Il y a un siècle, l’économiste américain Frank H. Knight a théorisé la distinction entre risque et incertitude dans son ouvrage Risk, Uncertainty and Profit (1921). Le premier peut faire l’objet de calculs de probabilité, même s’ils ne donnent pas toujours de résultats exacts ; mesurable, il devient ainsi maîtrisable. La seconde, l’incertitude, se caractérise par un manque d’informations ou d’expérience des agents économiques ; elle leur interdit d’envisager l’avenir, rendant inopérants les outils de la décision et défiant l’art des prévisionnistes.

La machine patine

A l’aube de 2025, rarement l’économie n’avait cumulé autant de risques et d’incertitude « knightienne », la différence étant parfois ténue entre les deux. Au-dessus de tout plane la menace du dérèglement climatique et son cortège de catastrophes ; celle d’une crise sanitaire plus dévastatrice que la précédente ; celle, plus prévisible, d’une guerre mondiale des tarifs douaniers lancée par Donald Trump, comme dans les années 1930, et affectant la croissance ; sans oublier une invasion de Taïwan par la Chine aux retombées incalculables sur le commerce mondial un scénario aussi « incertain » que l’était l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

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