Protais Zigiranyirazo (à gauche) au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), à Arusha, en Tanzanie, le jour de sa condamnation de première instance à vingt ans d’emprisonnement pour génocide, le 18 décembre 2008.

La justice administrative a confirmé, jeudi 28 août, l’interdiction, édictée mardi par la municipalité d’Orléans, de l’inhumation dans un cimetière de la ville de Protais Zigiranyirazo, surnommé « Monsieur Z » et considéré comme l’une des figures du génocide des Tutsi au Rwanda. « La décision du tribunal est fondée sur la justification des risques de troubles à l’ordre public et de moyens insuffisants pour assurer le respect de l’ordre public », a signalé dans un communiqué le tribunal administratif d’Orléans, saisi en référé par les proches du défunt.

Mardi, un arrêté avait été pris par la municipalité d’Orléans pour interdire l’inhumation de M. Zigiranyirazo, prévue le 28 août, une décision motivée notamment par un « risque grave de troubles à l’ordre public ». « Nous avons à faire à une situation exceptionnelle » et un risque avéré de « troubles », a jugé le maire d’Orléans, Serge Grouard (divers droite), arguant qu’aucun document ne permettait de retracer l’arrivée du corps du défunt en France.

Le tribunal a relevé « qu’il est démontré que les obsèques devaient rassembler plusieurs centaines de personnes » et qu’il existe « un contexte de tensions exacerbées avec les associations de mémoire des victimes du génocide, lesquelles ont soulevé le risque que la tombe ne devienne un lieu de pèlerinage ».

L’avocat de la famille du défunt, Me Philippe Meilhac, s’est dit « surpris au plus haut point » par cette décision, contestant le risque de troubles à l’ordre public et soulignant que ses clients étaient « absolument catastrophés ». « C’est quand même une atteinte extrêmement grave aux droits fondamentaux en matière de sépulture, de funérailles et plus largement de respect de la vie privée », a-t-il fustigé.

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« Il va quand même falloir l’inhumer »

« Il y a aujourd’hui un corps qui se trouve en France dans une entreprise de pompes funèbres de la région d’Orléans. On ne peut pas garder ce corps indéfiniment de la sorte et il va quand même falloir à un moment donné l’inhumer », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Me Meilhac, précisant qu’il comptait déposer un pourvoi auprès du Conseil d’Etat et éventuellement une nouvelle procédure auprès de ce même tribunal administratif d’Orléans.

Mort le 3 août à l’âge de 87 ans, Protais Zigiranyirazo avait été condamné à vingt ans de prison pour génocide en première instance par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), mais avait été acquitté en appel en 2009. Les juges de la chambre d’appel avaient conclu que leurs collègues de première instance s’étaient « gravement fourvoyés dans le traitement des preuves » et qu’il n’y avait pas d’autre choix que l’acquittement.

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Frère aîné de la veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana dont le meurtre, le 6 avril 1994, avait été immédiatement suivi par le début du génocide, « Monsieur Z » reste considéré par beaucoup comme l’un des cerveaux du cercle présidentiel hutu soupçonné d’avoir planifié le génocide.

D’avril à juillet 1994, le génocide au Rwanda a fait, selon l’ONU, 800 000 morts, membres de la minorité tutsi ou Hutu modérés, tués par les Forces armées rwandaises et les milices extrémistes hutu Interahamwe.

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Le Monde avec AFP

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