Retrouvez tous les épisodes de la série « Plages d’Italie » ici.

Pour Pier Paolo Pasolini, « le pays des bandits » était la Calabre, si l’on en croit La Longue Route de sable (Arléa, 2004), dans lequel l’écrivain consigna son tour du littoral italien, effectué à bord d’une Fiat 1100, à l’été 1959.

En ce qui nous concerne, c’est près de la plage d’Ostie, où Pasolini fut mystérieusement assassiné en 1975, qu’il nous est arrivé malheur. Tandis que nous visitions le Zion Beach, un établissement balnéaire chéri par la jeunesse alternative, la serrure de notre Fiat Dolce Vita a été forcée, et nos valises ont été dérobées. « Hélas, ce genre de vol est assez fréquent dans les parages ! Peu de chance que vous retrouviez vos affaires », soupire le policier de l’aéroport de Fiumicino, tout proche, qui a enregistré notre déposition.

Le lieu du délit, à une trentaine de kilomètres du cœur de la capitale, concentre toutes les contradictions romaines. Le long de la plage qui court de Torvaianica à Ostie, sur près de quinze kilomètres, se croisent des notables et des mafieux, des militaires et des nudistes, des transsexuels et des écologistes, des nostalgiques du fascisme et des immigrés, des stars du cinéma et des touristes.

En avril 1953, le corps sans vie de la jeune Wilma Montesi y fut retrouvé. Ce fait divers, qui ne fut jamais résolu, eut un tel retentissement que la plage fut désertée par les Romains des années durant. Ils ne commencèrent à y revenir qu’à partir de 1966, quand le président de la République, Giuseppe Saragat (1898-1988), restitua à la ville de Rome une partie littorale du domaine abritant sa résidence d’été de Castelporziano. Sur les 6 000 hectares qui appartiennent encore à la présidence italienne, les pins parasols sont décimés, depuis une dizaine d’années, par de redoutables parasites. Comme une allégorie de cette côte, à la fois bénie et déshéritée.

Le réalisateur romain Saverio Costanzo la connaît bien. Il lui arrive de jouer au tennis avec les enfants de l’acteur Ugo Tognazzi (1922-1990) dans le village de vacances que cette icône du cinéma italien édifia, à la fin des années 1960, en face de la pinède présidentielle. Il a surtout tourné une partie de son cinquième long-métrage, Finalmente l’alba (2023), sur les dunes mêmes où fut assassinée Wilma Montesi. « La Dolce Vita [1960] de Fellini s’inspire en partie de ce meurtre qui symbolise, pour l’Italie de l’après-guerre, la perte de l’innocence, rembobine le cinéaste. Le long de ce littoral, les deux âmes de Rome cohabitent : les audaces libertaires et libertines, d’une part, le repli sur soi, les peurs, le crime, de l’autre. »

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