Le soir tombe via Dante. C’est le printemps, il fait encore bon. La longue avenue pousse de la Palerme patricienne vers les zones plus populaires de l’ouest. A mi-chemin se cache, derrière des grilles occultées, une bâtisse imposante et biscornue : la villa Virginia. On distingue une façade ocre, une tourelle et son toit en ombrelle, d’impénétrables vitraux polychromes. Lors de sa construction, en 1908, l’architecture ne pouvait rien refuser aux fortunes rêveuses. Mais, autour de la villa, le monde a changé. C’est en repérant un véhicule sombre, cerné de gardes, que nous avons trouvé l’adresse. L’homme qui nous attend vit sous escorte depuis plus de quarante-cinq ans. Devant le portail, l’un des policiers nous fait répéter : « Vous avez rendez-vous avec le maire ? »

Oui et non. Leoluca Orlando, 77 ans, n’est plus maire de Palerme depuis 2022. Mais, pour ses admirateurs comme pour ses critiques – à Palerme, on est toujours un peu les deux –, il sera à jamais « le » maire, celui dont tous s’accordent à saluer la sincérité dans un engagement pris au péril de sa vie contre la Mafia sicilienne, Cosa Nostra. De la pénombre des années 1980, avec ses assassinats de rue et ses cadavres dissous dans l’acide, jusqu’aux crèmes solaires des touristes qui s’y bousculent aujourd’hui, cet homme de gauche aura régné pendant vingt-deux ans sur la capitale de la Sicile (1985-1990 ; 1993-2000 ; 2012-2022) et son demi-million d’habitants.

Au cours de cinq mandats, il s’est consacré à la ville tout en exaltant, d’estrades en pupitres, les droits des migrants, la civilisation méditerranéenne ou la lutte contre le crime organisé. Maire de Palerme, il le sera jusqu’à son dernier souffle, avance-t-il, puisque le président colombien de droite dure, Alvaro Uribe, l’aurait nommé à vie à la tête d’une commune andine de 29 899 habitants appelée… Palerme. Ce ne serait que l’une des distinctions reçues par Leoluca Orlando. Une des nombreuses histoires de celui qui, chez lui comme à l’étranger, incarne l’anti-Mafia. C’est ainsi qu’il a agi et qu’il s’est raconté, tout en œuvrant à raviver le lustre de sa ville. Car Palerme fut un haut lieu de la Belle Epoque européenne ; les atours conservés de la villa Virginia, que la famille Orlando a reçue en héritage en 1980, en témoignent.

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