Livre. La déseuropéanisation du monde est en marche. Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï, qui s’est tenu du 31 août au 3 septembre à Tianjin, dans le nord de la Chine, sous l’égide du président chinois, Xi Jinping, et en présence des chefs d’Etat d’une vingtaine de pays, parmi lesquels l’Inde, l’Iran et la Russie, en est une démonstration éclatante. La démocratie pluraliste « à l’occidentale » et le primat du droit international ne sont pas des valeurs partagées. Mais peut-on dater ce divorce entre plus de la moitié des habitants de la planète et les valeurs occidentales ?

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C’est le pari que fait Florian Louis, historien des relations internationales et membre de la rédaction de la revue Le Grand Continent, dans son essai 1904. Genèse du XXe siècle, publié dans la collection « Une année dans l’histoire » qu’il dirige aux Presses universitaires de France. Selon lui, quatre événements de l’année 1904 permettent de mieux comprendre les débuts « d’un changement d’époque » traduisant « une déseuropéanisation du monde », alors que le XIXe siècle avait marqué l’apogée de l’Europe.

Les deux premiers sont le génocide des peuples Herero et Nama, dans l’actuelle Namibie (ex-Sud-Ouest africain) par les troupes coloniales de l’Empire allemand, et la guerre qui éclate en Extrême-Orient entre la Russie et le Japon. A ces deux drames amorcés en 1904, l’auteur ajoute le discours prononcé le 6 décembre par le président américain Theodore Roosevelt (1858-1919), qui théorise la vocation impériale des Etats-Unis, et les accords franco-britanniques, signés le 8 avril 1904, connus sous le nom d’Entente cordiale.

Ineptie des théories racistes

L’historien prend garde à ne pas « relire le passé à la lumière d’un futur qu’il a certes produit ». Par exemple, s’il existe un lien entre l’entente renouée entre la France et le Royaume-Uni, qui marginalise l’Allemagne, et la guerre de 1914, il ne s’agit pas « d’une causalité linéaire et automatique ». Par ailleurs, l’extermination de 60 000 à 80 000 Herero et 20 000 Nama traduit la tragique banalité du fait colonial ; mais les résistances locales et surtout l’accroissement excessif des moyens mis au service de la répression vont contraindre les puissances coloniales à lâcher prise.

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