Selon trois courriers datant de 1998 et 2000, Élisabeth Guigou, ministre de la Justice de l’époque, avait été avertie de possibles violences physiques et sexuelles au sein de l’institution catholique de Notre-Dame-de-Bétharram.
Le procureur général de Pau l’avait prévenue de la gravité des faits reprochés au père Carricart, ancien directeur de l’établissement.

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Violences et abus sexuels au collège-lycée de Bétharram

Trois signalements écrits entre 1998 et 2000, adressés à la garde des Sceaux de l’époque Elisabeth Guigou, prévenaient d’une possible affaire de grande ampleur au sein de l’établissement catholique de Notre-Dame-de-Bétharram, selon des documents que l’AFP s’est procurés, ce mardi 18 février. 

Le témoignage d’une victime en 1998

Accusé d’avoir lui-même eu connaissance, sans agir, de faits de violences physiques et sexuelles dans cette institution au milieu des années 1990, le Premier ministre François Bayrou a de nouveau récusé, mardi 18 février, tous les soupçons et a contre-attaqué en ciblant le gouvernement Jospin. « Le procureur général a tenu informée la Chancellerie sur ces affaires à quatre reprises dans l’année 1998. Il l’a fait téléphoniquement le jour de l’incarcération et il l’a fait ensuite à trois reprises par écrit, en signalant la gravité des faits », a dit François Bayrou devant l’Assemblée. Un premier signalement du procureur général près la cour d’appel de Pau a effectivement été effectué le 15 juin 1998. À cette date, François Bayrou n’est plus ministre de l’Éducation nationale depuis un an, et Claude Allègre lui a succédé rue de Grenelle. 

Le procureur de Pau, Dominique Rousseau, se référant également à une conversation téléphonique sur le même sujet du 26 mai 1998, écrit à la Garde des Sceaux pour lui exposer les faits ayant conduit à la mise en examen et l’incarcération de l’ancien directeur de l’établissement, le père Carricart. Ce dernier était accusé d’agressions sexuelles répétées et de viols par un ancien pensionnaire. « En l’état, l’information n’a porté que sur les faits dénoncés par une seule personne, mais le plaignant a évoqué d’autres faits susceptibles d’avoir été commis par des enseignants, religieux, sur divers élèves », relève le magistrat, qui précise que « l’information aura à vérifier ce qu’il en est ». Le procureur justifie ce signalement par la renommée régionale de l’établissement, et « l’émotion » suscitée par l’incarcération de son ancien directeur. 

Un nouveau signalement après le suicide du père Carricart

Le courrier est suivi d’un autre, le 23 décembre 1998, en forme de point d’étape, indiquant qu’une « commission rogatoire est en cours pour entendre de nombreux anciens élèves de l’établissement ». Puis le 8 février 2000, le procureur prend de nouveau la plume, quelques jours après le suicide du père Carricart à Rome, mis en cause par un autre ancien élève. Dans cette lettre, il tient à « rendre compte des derniers développements de cette procédure qui sont susceptibles de lui redonner un certain impact médiatique local, voire national ».

Au total, 112 plaintes ont été déposées auprès du parquet de Pau, qui a ouvert une enquête en 2024 pour des violences, agressions sexuelles et viols commis essentiellement entre les années 1970 et 1990. La remontée d’informations venant des parquets généraux au ministère est une pratique répandue, justifiée notamment par la gravité des faits ou encore la personnalité de l’auteur ou de la victime. En 2014, Christiane Taubira, Garde des Sceaux de l’époque, avait souhaité en réduire le nombre pour passer de 48.000 en 2012 à 5.000. 


Marianne LEROUX avec l’AFP

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