Une audience de collectifs de victimes a eu lieu jeudi devant la commission d’enquête sur les violences dans les établissements scolaires, créée dans le sillage de l’affaire Bétharram.
Les porte-paroles de différents établissements ont livré des récits sidérants, évoquant des violences physiques et psychologiques.
Certains ont aussi relaté des décès d’élèves au sein même de ces institutions, mais aussi des suicides a posteriori.

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Violences et abus sexuels au collège-lycée de Bétharram

D’une même voix, ils ont partagé leurs traumatismes et ceux de leurs camarades, après avoir subi des violences glaçantes au sein de l’enseignement catholique. Des représentants de victimes ont pris la parole jeudi 20 mars devant une commission d’enquête dédiée de l’Assemblée nationale (nouvelle fenêtre), créée après le scandale de l’institution Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques), mise en cause dans des dizaines de révélations de cas de violences physiques et sexuelles. 

Dans le sillage de cette affaire, qui a provoqué une onde de choc, des témoignages émanent par dizaines d’anciens élèves d’autres établissements catholiques à travers la France. Jeudi, les représentants de collectifs de victimes de sept d’entre eux ont fait entendre leur voix devant la commission, dans la Salle Lamartine du Palais Bourbon. 

Ils ont confié des récits saisissants, parfois même insoutenables, faisant état de coups, d’humiliations et d’un climat de terreur, qui ont parfois poussé certaines victimes jusqu’au suicide. « Nous souhaitons saluer le courage de ceux qui ont parlé hier et de ceux qui parlent aujourd’hui, tout en n’oubliant pas ceux qui, si broyés par leur expérience scolaire (nouvelle fenêtre), en sont morts », a déclaré en sortant Alain Esquerre, porte-parole des victimes de Bétharram, dans le reportage de « Bonjour ! La Matinale TF1 » en tête d’article.  

« J’ai vu mes camarades de 4e se faire dérouiller », confie une victime

Didier Vinson, porte-parole des victimes du collège Saint-Pierre de Relecq-Kerhuon (Finistère), a ainsi évoqué un ancien élève de l’établissement, Philippe, qui s’est suicidé à l’âge de 50 ans, un drame selon lui lié à son passage au sein de l’institution bretonne. Aujourd’hui, 70 anciens élèves partagent régulièrement leurs traumatismes sur un groupe WhatsApp commun. « J’ai passé deux ans là-bas et je pense que c’est les pires années de ma vie. J’ai pris des coups en masse », a expliqué leur représentant. « J’ai vu mes camarades de 4e se faire dérouiller, mais vraiment dérouiller. Des raclées monstrueuses. »

L’ancien élève a aussi évoqué un souvenir qui l’a marqué : les coups subis par l’un de ses camarades, Patrick, un petit garçon qui portait des lunettes « à triple foyer ». « Il était tout petit, haut comme trois pommes. Quand le prof d’histoire, qui était l’un des plus violents, administrait une raclée (nouvelle fenêtre), il lui demandait d’enlever ses lunettes pour qu’il ne reste pas de traces. Le petit gamin Patrick posait ses lunettes, il se prenait sa raclée », s’est souvenu Didier Vinson. Puis « les joues rouges et les yeux rouges aussi, parce que ça faisait mal, il remettait ses lunettes ».

Quand il a proposé à cet ancien élève de rejoindre le collectif, ce dernier a refusé. « Il m’a dit : non, je viens d’avoir un petit-fils, C’est la plus belle chose qui me soit arrivée de ma vie. Je n’ai pas envie de replonger là-dedans », a relaté le porte-parole, la voix brisée par l’émotion. 

Le long supplice d’une élève après une tentative de fuite, « mangée » par un chien

Ancienne élève de l’un des établissements gérés par la Congrégation catholique Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur à Angers (Maine-et-Loire), Evelyne Le Bris a elle aussi décrit des scènes terrifiantes, basculant même parfois dans l’horreur. Elle affirme ainsi que plusieurs jeunes filles de ce pensionnat, encadré par des sœurs religieuses, sont mortes pendant leur séjour sur place, dans des conditions sordides. 

La porte-parole du collectif de victime de l’établissement a assuré notamment que lorsque les pensionnaires tentaient de s’évader, les sœurs envoyaient des chiens pour les rattraper. Un jour, au cours de l’année 1965, deux adolescentes ont tenté de prendre la fuit, mais « la deuxième s’est ratée ». « Le drap s’est désolidarisé. Elle est tombée du deuxième étage, et elle a râlé toute la nuit », a-t-elle décrit. 

« Des vies brûlées de l’intérieur » : des victimes de Bétharram témoignent Source : Le 6/9

01:23

Un chien l’aurait alors « trouvée ». « Certainement qu’il a dû se servir… On va dire ça comme ça. Il l’a mangée, elle était morte », a lâché la représentante, qui a assisté à toute la scène. « Nous, on était aux fenêtres. Pour que ce soit plus facile pour elle, on chantait. On chantait doucement, mais on chantait quand même », a-t-elle confié, la voix tremblante. Puis, « quand on ne l’a plus entendue, on est allé se coucher ».  À l’époque, Evelyne Le Bris n’avait que 17 ans à peine. Et les horreurs ne s’arrêtent pas là : certaines jeunes filles « en avaient tellement marre de subir qu’elles se sont défenestrées », s’est-elle souvenue. Son collectif demande désormais l’imprescriptibilité pour les violences commises sur les enfants (nouvelle fenêtre).  

Un « MeToo de l’enseignement catholique » qui ne fait que commencer

Les représentants de plusieurs autres collectifs de victimes étaient également présents, notamment d’autres établissements du Sud-Ouest, comme Bétharram (nouvelle fenêtre) : ceux du collège Notre-Dame du Sacré-Cœur de Dax (Landes), de Notre-Dame de Garaison (nouvelle fenêtre) à Monleon-Magnoac (Hautes-Pyrénées), de Saint-François-Xavier à Ustaritz (Pyrénées-Atlantiques). Dans la moitié Nord, les victimes du collège Riaumont à Liévin (Pas-de-Calais) étaient également représentées, ainsi que celle de l’Institution Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). 

Pour Constance Bertrand, porte-parole de ce collectif, il est « impossible » pour l’heure d’évaluer le nombre d’affaires similaires à Bétharram (nouvelle fenêtre) aujourd’hui en France ». « C’est le MeToo de l’enseignement catholique. Ne croyez pas que c’est fini. Il y a encore des auteurs de violences qui sont dans les établissements scolaires », a-t-elle lancé. 

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale a pu lancer une commission d’enquête pour se pencher durant six mois sur « les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires », privés et publics. Elle doit auditionner en juin le Premier ministre François Bayrou, ancien ministre de l’Éducation et parent d’élève de l’institution de Bétharram. Accusé d’avoir fermé les yeux sur les violences au sein de l’établissement, il assure de son côté n’en avoir jamais rien su. 


M.L. avec Paul LARROUTUROU

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