Dans un contexte de multiplication des actes antisémites depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, l’agression subie le 1er mars par Marco S., 62 ans, kippa sur la tête devant sa synagogue du 20e arrondissement de Paris, avait suscité une émotion particulière, en raison de sa grande violence notamment. L’image du visage ensanglanté de la victime avait été largement relayée. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, avait dénoncé « une nouvelle agression antisémite » et un « acte inqualifiable ».

Interpellé quelques jours plus tard, Fenndy F. devait être jugé le 8 mars, mais l’audience avait été renvoyée : le tribunal, ayant des doutes sur sa santé mentale, avait réclamé une expertise psychiatrique complémentaire. Ce petit homme guadeloupéen de 31 ans a finalement été déclaré apte à être jugé – pour « violences volontaires à raison de l’appartenance à une religion » –, mais l’audience qui s’est tenue vendredi 19 avril devant la 23e chambre correctionnelle du tribunal de Paris n’a pas dissipé les interrogations quant à l’équilibre psychiatrique d’un prévenu qui, en garde à vue, avait parlé de sa victime comme d’un « khazar », un « imposteur », membre d’une « tribu soi-disant juive ».

Marco S., silhouette frêle et visage encore marqué par l’agression, donne sa version des faits à la barre. Il attendait l’ouverture de la synagogue, ce 1er mars, lorsque Fenndy F. est passé une première fois devant lui « d’un air étrange », avant de réapparaître quelques minutes plus tard. « Il est venu et il m’a dit : “C’est vous qui tuez les gens à Gaza.” Je me suis levé en disant “je tue personne”, et là, il m’a asséné un coup de poing. » Marco S. tombe au sol, il est roué de coups, perd connaissance. Deux témoins, absents à l’audience, affirment avoir entendu l’agresseur dire « sale juif ».

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Depuis son box, Fenndy F. raconte une autre version : « Je lui ai dit : “T’es un ashkénaze, tu seras jamais un vrai juif.” Il me dit : “Viens ! Viens ! T’as dit quoi ?” Je m’approche, il me met une droite. » Le prévenu mime alors la façon dont il aurait riposté et mis son contradicteur K.O. « Deux témoins vous ont vu mettre les coups, et on n’a pas vu de trace de coups sur vous », lui oppose le président du tribunal, pas convaincu par la théorie de la légitime défense. « Son coup de poing n’était pas vraiment puissant », marmonne Fenndy F.

« Je suis sémite, donc ce serait difficile d’être antisémite »

La parole est ensuite à Franck Serfati, avocat de la victime, et l’audience vire alors à l’absurde. Le prévenu, insaisissable, pour ne pas dire incompréhensible, reparle des « khazars », il évoque les « édomites, descendants d’Esaü », auxquels appartiendrait Marco S., puis ses propres ancêtres, « les nègres », dont Israël serait « la terre originelle ».

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