La cheffe Alix Lacloche, à Paris, le 23 mars 2024.

Toute mon enfance, j’ai eu une alimentation extrêmement saine. Ma mère, d’origine américaine, était en avance sur son temps et obsédée par les bons produits. Le poulet devait être fermier, on mangeait du quinoa, du tofu, des légumes bio. Le dimanche, mon père, qui est artiste, confectionnait des tempuras. Tout était fait maison, il fallait utiliser ses mains, transformer la matière. Je n’avais pas le droit aux Barbie, je n’avais que des jouets en bois, ma mère tenait une boutique de puériculture, elle s’occupait du bien-être des enfants. Avec mon frère et ma sœur, nous étions ses cobayes. Tout cela me cassait les pieds royalement, mais on n’avait pas le choix, c’était comme ça.

Puis ma mère est décédée quand j’avais 14 ans. Je me suis jetée sur la bouffe industrielle, tout ce que j’avais rêvé de manger sans en avoir le droit – les chips, les bonbons, les pizzas, la junk food. Après le bac, comme par hasard, j’ai voulu apprendre à cuisiner. Je suis tombée amoureuse d’un garçon américain, qui avait travaillé au restaurant Chez Panisse, le bastion de la bonne cuisine en Californie, j’ai eu envie de partir là-bas. Je suis arrivée à San Francisco en 2009, à l’ère du boom des marchés bio fermiers et du Slow Food. J’ai tout appris sur le tas.

Notamment chez Boulettes Larder, un fameux restaurant situé dans le Ferry Building, à San Francisco, où j’ai travaillé près d’un an avec la cheffe americano-hongroise Amaryll Schwertner. Elle me disait : « Regarde-moi faire, apprends en observant, et si tu es perdue, demande ! » J’ai connu de grands moments de solitude, comme ce jour où l’on m’a chargée de préparer une mayonnaise, ce que je n’avais jamais fait auparavant… J’ai demandé, j’ai appris, et c’est devenu l’un de mes trucs favoris. Le menu changeait tous les jours, et tous les jours, j’apprenais quelque chose.

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Après deux ans aux Etats-Unis, je suis rentrée en France en 2012 et j’ai travaillé avec Cédric Casanova, fondateur de La Tête dans les olives, à Paris. Il avait une minuscule table d’hôte, je cuisinais dans l’intimité de son épicerie. Cela m’allait bien. A aucun moment je n’ai envisagé d’ouvrir un restaurant. Je trouve ça terriblement difficile : les charges, le management, la création. C’est très dur de s’y retrouver financièrement, peu de restaurateurs s’en sortent, en fait. J’ai préféré être cheffe nomade, faire de la cuisine itinérante, des dîners chez les gens, des événements.

De fil en aiguille, de bouche à oreille, j’ai tracé ma route. Je suis toujours autoentrepreneuse, je fais toujours tout chez moi, des plats mais aussi de la scénographie culinaire. Ma cuisine est simple. J’aime les bonnes salades, les goûts francs, les sauces qui balancent bien. J’aime tout utiliser dans le produit, faire des soupes ou des sandwichs avec les restes. Ce que je préfère, c’est transformer la matière, mélanger les choses, cette alchimie d’une mayonnaise au raifort, d’un poulet savoureux, du pain qui craque et d’un peu de cresson frais, c’est forcément délicieux.

alixlacloche.com

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