La langue des banquiers centraux est parfois absconse. Il arrive aussi qu’ils posent des mots précis sur les vérités que les politiques rechignent à affronter. Ainsi la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, prévenait-elle, dans un discours prononcé le 21 novembre à Francfort : « Les vulnérabilités de l’Europe découlent d’un modèle de croissance adapté à un monde qui disparaît progressivement. »
Euphémisme. Car, en vérité, les mondes disparus de l’Union européenne (UE) se déclinent au pluriel. Le premier d’entre eux est, à l’évidence, celui du multilatéralisme bâti durant l’après-guerre sur des règles claires et s’épanouissant sous l’ombrelle de l’ami américain qui, s’il n’est pas devenu un ennemi, nourrit désormais une animosité féroce à l’égard du Vieux Continent.
Le deuxième est celui de la puissance industrielle. Rares sont les secteurs européens échappant au rouleau compresseur chinois doublé de la concurrence américaine. Le symbole de cette saignée est sans doute l’automobile, autrefois moteur économique de l’Allemagne : depuis 1990, la part de marché de celle-ci dans la production mondiale de véhicules particuliers a chuté de 12,7 % à 5,1 %, selon l’Organisation internationale des constructeurs automobiles, tandis que, désormais, les marques chinoises telles que BYD montent à l’assaut du marché européen.
Le constat est tout aussi vertigineux du côté des semi-conducteurs. En 1990, l’UE détenait 44 % des capacités mondiales de production de wafers, ces fines plaques formant la base des semi-conducteurs, selon le cabinet PwC. Elle était alors numéro un du secteur. En 2000, elle était toujours en tête, mais avec seulement 24 % des capacités de production. Celles-ci tombèrent à 13 % en 2010, et à 8 % en 2020, loin derrière Taïwan (21 %), la Corée du Sud (19 %), la Chine (17 %), le Japon (17 %) et les Etats-Unis (12 %).
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