« La situation aujourd’hui est pire qu’au lendemain du séisme », soupire Mehmet Ali Ergün, militant pour une reconstruction équitable d’Hatay. Cette région du sud profond de la Turquie a été la plus touchée par la catastrophe du 6 février 2023, qui a fait au-delà de 53 000 morts selon les chiffres officiels. Un des principaux défis, à la suite du séisme, était l’élimination de 200 millions de tonnes de gravats. A cette fin, une armada de camions ont été mobilisés qui ont déposé ces décombres dans des sites largement non-réglementés.

A Hatay, des militants dont Mehmet Ali Ergün luttent depuis plus d’un an contre ce désastre écologique et sanitaire qu’ils nomment la « catastrophe dans la catastrophe ». Le Monde a pu identifier au moins neuf décharges sur des images satellites. Elles montrent des montagnes de gravats, qui recouvrent des terrains agricoles, des zones humides et des vallées.

« Ces gravats contiennent des milliers de substances toxiques, comme du plomb et des fibres d’amiante, » affirme Ali Kanatli, coordinateur de l’association des médecins turcs à Hatay. Bien que l’amiante soit interdite en Turquie depuis 2010, on le retrouve dans des bâtiments construits auparavant. L’exposition à cette matière utilisée pour l’isolation peut mener à des maladies respiratoires graves, dont le cancer des poumons.

Particules fines nocives

« Nos lois sont très claires. Il existe des règles strictes à suivre quand on se débarrasse de débris pour éviter la contamination d’amiante et de particules fines nocives. Il faut arroser les débris, couvrir les camions qui les transportent, étanchéifier les sites de dépôts. Mais à Hatay, ces lois ne sont tout simplement pas respectées », déplore Ali Kanatli. En septembre, une enquête menée par la chambre du génie écologique d’Istanbul et la Deutsche Welle avait révélé que des traces de fibres d’amiante avaient été découvertes, parfois jusqu’à 150 kilomètres du lieu où les gravats avaient été déversés.

Après

En face du stade de Samandag, région du Hatay, une montagne de gravats. Juste au sud, on aperçoit sur cette image satellite le début de la zone humide de Mileyha, abris de plus de 200 espèces d’oiseaux migratoires. Juin 2019 / Avril 2024. Source : Airbus/Google Earth

Le stade de Samandag, à Hatay, avait été converti en campement de fortune pour accueillir les sinistrés. Dès mars 2023, des gravats sont entreposés juste en face. Ils forment un amas de 10 mètres de haut et 300 mètres de large. Les images satellites prises un an plus tard montrent qu’il a continué de croître. Moins d’un kilomètre au sud se situe la réserve naturelle de Mileyha, abri de plus de 200 espèces d’oiseaux, qui est menacé par la poussière émanant du dépôt.

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« Le vent d’ouest balaie le littoral de Hatay six mois par an et transporte la poussière des gravats vers le reste de la région, indique Ali Kanatli. Depuis plusieurs mois, les compagnies responsables des décharges ont commencé à en extraire les morceaux de métal pour les revendre. Cette activité produit encore plus de poussière, qui se répand alors sur toute la région et affecte la population entière. »

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