Tout s’est passé comme pouvaient le prévoir les Européens. La rencontre au sommet qui a réuni les présidents Donald Trump et Vladimir Poutine, vendredi 15 août, à Anchorage, en Alaska (Etats-Unis), s’est achevée sans perspective concrète de cessez-le-feu en Ukraine, mais à l’avantage du président russe, réhabilité sur la scène mondiale par cette opération.
Agresseur d’un pays indépendant, l’Ukraine, qu’il revendique comme sien, recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, M. Poutine a été traité vendredi par les Etats-Unis avec tous les honneurs réservés à un honorable chef de grande puissance. Accueilli à sa descente d’avion par le président Trump, invité à parcourir le tapis rouge avec lui jusqu’à la limousine du président américain, dans laquelle il a été invité à monter, le président russe a visiblement apprécié ces égards. Pour exprimer sa reconnaissance à M. Trump, il a repris à son compte deux griefs chers au cœur du président républicain : l’élection présidentielle de 2020, qui a vu la victoire de Joe Biden, était frauduleuse et la guerre en Ukraine n’aurait jamais commencé si Donald Trump avait été président.
Pour le reste, tout en qualifiant la rencontre de très « productive » sur « la voie de la paix en Ukraine », M. Poutine s’est contenté de réitérer, au cours d’une brève apparition conjointe devant la presse, les « causes profondes » de son conflit avec l’Ukraine. Les entretiens ont duré à peine plus de deux heures et demie, alors que le Kremlin avait envisagé « six à sept heures » de discussions, le déjeuner prévu n’a pas eu lieu, les journalistes n’ont pas pu poser de questions et les échanges ne se sont visiblement pas étendus au domaine commercial ou économique ni à celui du contrôle des armements, contrairement aux souhaits de Moscou.
Pour sa part, M. Trump n’a pas tari d’éloges sur « Vladimir », « un gars fort, dur comme l’enfer ». Il a fait état de « progrès » dans leur réunion « très chaleureuse » et « d’accords sur de nombreux points » sauf sur un, « sans doute le plus important », qu’il n’a pas précisé. Le président américain, qui avait menacé il y a quelques jours la Russie de « graves conséquences » si elle ne parvenait pas à un cessez-le-feu en Ukraine, a déclaré vendredi sur Fox News que la question de nouvelles sanctions ne se posait pas pour l’instant, pas avant « deux ou trois semaines ».

Face à ce non-résultat, la balle est maintenant dans le camp des Européens, auxquels M. Trump a rendu compte samedi matin, ainsi qu’au président ukrainien, Volodymyr Zelensky, de ses entretiens et des points d’accord qu’il a mentionnés. Avant même de leur parler, il a adressé ce conseil à M. Zelensky sur Fox News, après le sommet : « Faites un deal ! » De la manière dont MM. Poutine et Trump ont présenté les choses à Anchorage, on peut déduire que ce « deal » proposé n’est pas à l’avantage de Kiev. A l’unisson avec M. Trump, M. Poutine a dit espérer que les Européens « n’essaieront pas de saper les progrès escomptés par des provocations ou des intrigues en coulisses ».
Soucieux de ne perdre aucune chance de mettre fin à la guerre, le président ukrainien a cependant réagi positivement à l’idée d’une rencontre à trois avec MM. Poutine et Trump et décidé de se rendre lundi à Washington pour en parler. Le scénario redouté par les Européens, celui d’un arrangement concocté dans leur dos par les leaders russe et américain, n’est pas écarté. Mais, contrairement à M. Trump, M. Poutine reconnaît qu’ils ont, avec Kiev, des cartes à jouer. Le moment est venu de s’en servir, avec fermeté.