Place du Platane, dans le petit village de Jonquières (Aude), les tee-shirts sèchent à nouveau au soleil sur les pas-de-porte. Les nuages de cendres et de fumée, qui imprégnaient les vêtements les jours où a sévi le grand feu de l’Aude, du 5 au 9 août, ont laissé place à un air à nouveau pur. L’heure est au ménage. On vide la salle des fêtes qui a servi de point de ralliement aux équipes de pompiers venus de toute la France, durant deux semaines et on balaie le tapis de feuilles roussies, tombées des arbres sous l’effet de la chaleur du brasier. Sur son quad chargé d’eau, François Mir file « laver et rafraîchir » sa vingtaine d’arbres fruitiers, tôt jeudi matin, 14 août. Une plantation épargnée, à qui il faut faire oublier le stress du feu à coups de rafraîchissements réguliers.

A deux pas, à l’entrée est de ce bourg de 46 habitants du cœur des Corbières, des rubalises rouge et blanches isolent les maisons brûlées. Sur les trente-six habitations qu’a dévorées l’incendie pendant sa course folle de cinq jours sur près de 17 000 hectares, dix sont situées là. Si l’on y ajoute que quasi 100 % des terres de la commune ont été brûlées, Jonquières est le village qui a payé le plus lourd tribut au feu.

Sur l’arbre, qui a donné son nom à la place du Platane, « Tony le ferrailleur » a affiché qu’il peut venir chercher les épaves et vider les maisons sept jours sur sept. Mais, dans les habitations carbonisées, il n’y a plus rien. De la grande villa, qui dominait le village à sa sortie ouest, il reste trois tasses à café, un mug et deux outils de jardin ramassés et posés sur une brouette. Plus loin, deux chaises longues partiellement calcinées figent la scène d’un pacte passé entre les résidents du lieu et la nature. On imagine les soirées face aux collines couvertes de vignes et de pins. Désormais, ce qui était la plus belle vue du village s’est mué en un paysage en noir et blanc, hérissé des squelettes d’arbres charbonneux, seule verticalité sur un tapis de cendres qui s’étend jusqu’à l’horizon. Un espace lunaire, sur lequel pèse le silence effrayant d’une terre du Sud sans cigales, sans oiseaux, sans insectes. Une terre morte.

Il vous reste 81.71% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version