Le président argentin, Javier Milei, à Buenos Aires, le 8 mai 2024.

Ni trains, ni bus, ni métro durant 24 heures : la capitale argentine, Buenos Aires, devrait sonner creux, jeudi 9 mai, sans une grande partie des 3 millions de personnes qui y transitent chaque jour, la majorité en transports en commun. Quelque 400 vols seront également annulés, affectant 70 000 passagers, selon l’Association latino-américaine du transport aérien.

Après cinq mois de gouvernance du président Javier Milei marquée par le lancement d’un programme d’austérité, la deuxième grève générale « contre un ajustement brutal, en défense du droit du travail, syndical, et à un salaire digne », lancée par plusieurs syndicats dont la puissante CGT péroniste, s’annonce suivie. Bien plus que celle du 24 janvier (douze heures seulement), un semi-échec raillé par le gouvernement comme la grève « la plus rapide de l’histoire » car annoncée en décembre, dix-huit jours après l’investiture de Milei.

Cette fois encore, la présidence dénonce une grève « strictement politique » et des syndicats « battant des records de rapidité et du nombre de grèves », face à un gouvernement « à peine entré en fonction ». Syndicats qui vont « à l’encontre de ce que les gens ont voté il y a cinq mois ».

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L’impact politique pourtant, pourrait être moindre que les grandes marches pour la défense de l’université du 24 avril (un million de manifestants à travers le pays), plus forte mobilisation hostile à M. Milei à ce jour, et « une leçon pour lui : la première fois qu’il a heurté un mur dans l’opinion publique, car ce qui était en jeu était un bien collectif, transversal », estime le politologue Gabriel Vommaro. Mais « pour cette raison, cela ne doit pas être surinterprété », s’empresse d’ajouter l’analyste à l’Agence France-Presse. Car, élu comme « homme providentiel arrivé pour résoudre des problèmes que les élites d’avant avaient laissé traîner », Javier Milei « conserve dans l’opinion des noyaux de soutien indemnes, ou du moins assez solides ».

Une image qui reste positive

De fait, malgré une légère inflexion en avril, plusieurs sondages récents voient M. Milei osciller entre 45 et 50 % d’image positive – il avait été élu avec 56 %. Une forme de stabilité spectaculaire pour un gouvernant qui a infligé en peu de mois, entre dévaluation, prix libérés, dépenses et aides publiques « tronçonnées », « l’ajustement le plus grand de l’histoire de l’humanité », comme l’anarcho-capitaliste aime à rappeler.

En plus, le corrosif Milei, « sans pour autant changer sa personnalité et son discours agressif », est en train de vivre « un apprentissage politique », considère Rosendo Fraga, politologue de l’Académie des sciences morales et politiques.

A ce titre, l’adoption fin avril – du moins à la Chambre basse – de son train de réformes dérégulatrices, un projet amendé, rétréci, raboté, est « importante » : elle montre un président « plus flexible dans la pratique, assouplissant l’idéologie », et qui « peut articuler une coalition pour gouverner, malgré sa faible force » de 37 députés sur 257.

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Inquiétudes sur « l’après Milei »

Inflation en décélération, de 25 % pour le seul décembre à 9 % prédits pour avril, ou récession inquiétante, avec − 3,2 % de recul d’activité sur un an ? « Exploit historique », dixit Milei, d’un budget à l’excédent au premier trimestre, inédit depuis 2008, ou sombre record de la pauvreté (41,7 % officiellement), à des niveaux pas vus depuis 2006 ?

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Selon qu’ils se focalisent sur l’équilibre des comptes, la baisse du risque-pays, ou sur l’impact microsocial, les pertes d’emplois, opposition et gouvernement s’envoient les indices à la figure : « Sacrifice inutile du peuple », dénonce l’ex-présidente Cristina Kirchner. « Notre plan fonctionne », claironne M. Milei.

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Mais des économistes, y compris libéraux, s’inquiètent de « l’après ». « Milei a (…) une seule variable en tête : l’inflation », estime Carlos Rodriguez, jadis proche du nouveau président. « Le plan d’ajustement est simplement de ne rien payer, avec ces premiers mois une réduction des coûts dans tous secteurs. Mais je ne vois pas de plan ».

Au-delà de la grève, qui semble vouée à n’infléchir en rien la politique suivie, difficile de prédire qui, d’une reprise ou du ras-le-bol, se fera sentir le premier. « La limite à l’ajustement, ce sont les ajustés et leur capacité de résistance qui l’imposent », concède Carlos Heller, un ex-banquier et député d’opposition.

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Le Monde avec AFP

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