Une manifestante devant le Congrès de la nation argentine, à Buenos Aires, le 20 août 2025.

Le Parlement argentin a une nouvelle fois défié le président ultralibéral Javier Milei, rognant un peu sur ses pouvoirs, en votant, mercredi 8 octobre, à une large majorité une restriction de l’usage des décrets-lois, un outil maintes fois employé par le chef de l’Etat en vingt-deux mois au pouvoir.

Le camouflet, venant après déjà plusieurs échecs ces derniers mois du président sur des textes ou veto, souligne les difficultés croissantes de Javier Milei pour gouverner, face à un Parlement où il est minoritaire, et qui est de plus en plus enclin au bras de fer.

La déconvenue souligne, aussi, le caractère critique pour lui d’élections législatives de mi-mandat très incertaines, le 26 octobre, afin d’accroître sa base parlementaire et d’asseoir sa capacité à gouverner. L’échéance rend déjà les marchés financiers nerveux, pressions répétées sur le peso argentin à la clé.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Argentine : le gouvernement cherche des dollars de toutes parts

Dans ce contexte, le Trésor américain – les Etats-Unis de Donald Trump sont un allié idéologique de M. Milei – a dû voler au secours de l’Argentine, en septembre, se disant « prêt à faire le nécessaire » en termes de soutien financier en faveur de la troisième économie d’Amérique du Sud. Une aide qu’il reste toutefois à définir, et à concrétiser. Javier Milei doit être reçu à la Maison Blanche le 14 octobre.

Quelque soixante-dix recours à des décrets-lois

Mercredi, la Chambre des députés, dans les pas du Sénat argentin le mois dernier, a approuvé largement (140 voix pour, 80 contre parmi les présents) un texte qui restreint face au Parlement la force d’un « DNU », un « décret de nécessité et d’urgence », autrement dit à force de loi. Il nécessiterait désormais le rejet d’une seule Chambre, et non plus des deux, pour devenir caduc. Toutefois, pour un article qui n’a pas obtenu la majorité des députés, le texte devra repasser au Sénat, où son issue ne fait guère de doute : le parti de M. Milei y est encore plus minoritaire qu’à la chambre basse du Parlement.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés En Argentine, Javier Milei enchaîne les revers avant les élections législatives de mi-mandat

Javier Milei, large vainqueur de la présidentielle de 2023 sur une formule dégagiste contre la « caste politique » et la promesse d’une thérapie de choc d’austérité budgétaire, ne dispose que de quarante députés ou alliés sur 257, ce qui l’a contraint à des alliances ad hoc pour faire adopter des réformes.

Pour tenter de contourner ce Parlement réticent, il a ainsi recouru à plus de soixante-dix reprises aux DNU, un outil inscrit dans la Constitution depuis 1994 et qui a aussi été utilisé par quasiment tous ses prédécesseurs.

En décembre 2023, à peine dix jours après son investiture, Javier Milei avait signé un DNU pharaonique, posant le cadre d’une dérégulation massive de l’économie. Ce « méga-décret », comme il avait été surnommé, modifiait ou abrogeait plus de 300 règles et normes dans des sphères variées telles que le travail, l’encadrement des prix et des loyers, la concurrence, les privatisations, les médicaments, le foncier, entre autres.

« Frein »

« Plus que l’instrument [du DNU], le problème est comment il a été utilisé » par l’exécutif, a dénoncé, mercredi lors du débat, pour l’opposition péroniste (centre gauche), la députée Monica Litza. « Si on n’y met pas un frein, ça [l’utilisation de ces décrets] continuera sur le mode allons-y gaiement, soit un état d’exception permanente », a pour sa part plaidé Maximiliano Ferraro, de l’opposition de centre droit. Député miléiste, Nicolas Mayoraz a de son côté accusé l’opposition de vouloir « déstabiliser » l’exécutif en instaurant un « gouvernement du Parlement, une sorte de démocratie parlementaire ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés En Argentine, Javier Milei pris dans une crise de gouvernance, à trois mois des législatives

« L’esprit des DNU est d’offrir un outil capable de modifier les règles du jeu, pour répondre à des situations à fort impact, qui exigent des réponses immédiates », analysait récemment Leandro Dominguez, politologue du Directoire législatif, un think tank parlementaire.

Le Monde Mémorable

Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »

Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »

Découvrir

Newsletter

« A la une »

Chaque matin, parcourez l’essentiel de l’actualité du jour avec les derniers titres du « Monde »

S’inscrire

Le Monde Application

La Matinale du Monde

Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer

Télécharger l’application

Newsletter abonnés

« International »

L’essentiel de l’actualité internationale de la semaine

S’inscrire

La pandémie de Covid-19, par exemple, avait donné lieu à de nombreux DNU liés à l’urgence sanitaire. Mais ce caractère d’urgence, pour certaines dispositions des DNU de M. Milei, est précisément ce qui a été contesté à la fois politiquement et en justice par des opposants au président, dont des syndicats, parfois avec succès. Et à présent par le Parlement lui-même.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu
Partager
Exit mobile version