Comme à chaque discussion budgétaire ou crise des finances publiques, les articles des chercheurs du secteur public fleurissent pour, d’une part, critiquer le crédit d’impôt recherche (CIR) accordé au secteur privé, et d’autre part, demander plus de ressources (comme dans cette tribune publiée dans Le Monde du 10 octobre). Ce dispositif d’incitation fiscale à la recherche et développement devrait être largement réformé et sa critique est légitime. Mais l’argument des chercheurs aurait d’autant plus de force s’ils consentaient aussi à porter un regard critique sur leurs propres institutions.

Il semble que, aux yeux de la plupart des chercheurs, il suffit d’accoler le terme « recherche publique » à celui d’« investissement » ou de « dépense » pour en affirmer l’efficacité ! Or, dans la recherche, comme dans n’importe quel autre domaine d’activité, il y a des institutions qui fonctionnent bien et d’autres moins bien. Penser qu’un simple transfert de ressources du secteur de la recherche privée à celui de la recherche publique est une solution aux problèmes économiques de cette dernière relève de l’utopie. Ne convient-il pas d’abord de regarder comment les institutions fonctionnent pour éventuellement proposer de les réformer avant de réclamer un supplément de ressources ?

Ainsi, le rapport d’évaluation du CNRS, publié en novembre 2023, par un comité d’experts international et dirigé par le professeur Martin Vetterli, président de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, recommande de mettre fin à cette surprenante anomalie historique qui touche une armée de chercheurs dispensés d’obligation d’enseignement. Il s’agit d’une anomalie institutionnelle, car la liberté académique se paie normalement par les tâches d’enseignement fournies par les professeurs – c’est le contrat fondamental de l’universitaire avec la société.

Niveau de volontariat

Or, le chercheur du CNRS se comporte comme un professeur sans être soumis aux mêmes obligations – le beurre et l’argent du beurre, en quelque sorte. Face à cette institution, unique en son genre, même les statisticiens sont perdus : alors que l’Institut national de la statistique et des études économiques classe le CNRS comme organisme de recherche national, l’Organisation de coopération et de développement économiques et Eurostat le classent en tant qu’établissement d’enseignement supérieur.

On ne voit aucune bonne raison pour qu’un chercheur académique en sociologie, en économie ou en ingénierie soit dispensé d’obligation d’enseignement. Bien sûr, il y a un certain niveau de volontariat parmi les chercheurs du CNRS mais on est loin du compte en termes d’heures assurées annuellement par rapport au service standard d’un professeur. De plus, être volontaire pour donner un cours ou des séminaires très spécialisés à un petit nombre de doctorants n’a rien à voir avec une obligation d’enseignement des fondamentaux d’une discipline, adressé à un très grand nombre d’étudiants.

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