
En programmant pour la première fois au Festival d’Aix-en-Provence Louise de Gustave Charpentier (1860-1956), chef-d’œuvre né à l’aube du XXème siècle sur la scène de l’Opéra-Comique (actuel coproducteur du projet) à Paris, Pierre Audi a cette fois gagné son pari. Car cet opéra aujourd’hui quelque peu rangé des plateaux lyriques, en illustrant le désir de liberté d’une jeune fille prise au piège d’un univers parental étouffant et toxique, rappelle, alors que le masculinisme pointe son infâme museau, que l’émancipation féminine n’a jamais cessé d’être un sujet. A l’heure où l’on s’interroge enfin sur le sort des milliers de femmes, dites déviantes, jadis internées contre leur gré dans des hôpitaux psychiatriques pour avoir dérogé aux normes sociales, cette Louise est à la fois illustration et manifeste.
Une immense salle d’attente aux banquettes vert fané, flanquée d’une enfilade de grandes vitres aux volets clos, à chaque extrémité, des sas vitrés donnant accès à ce qu’on ne verra pas, salle de consultation, d’opération … C’est précisément dans un de ces anciens asiles d’aliénés aux hautes portes battantes par lesquelles passent patients et médecins, que le metteur Christof Loy a confiné la jeune fille. Il a pris le luxe d’un temps silencieux, avant même l’entrée de la musique, pour silhouetter une jeune femme troublée, un peu godiche, dont la robe de couleur éteinte aux vastes plis monacaux enveloppe le corps d’une sorte de camisole, sous le regard réprobateur de sa mère, aux allures ostensibles de grande bourgeoise en tailleur, mise en pli et sac siglé.
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