
C’est comme une drogue. Un shoot de folie douce dans la dureté des temps, qui vous envape et vous fait entrer en lévitation. Une ivresse indéfinissable, comme si l’air des montagnes s’était engouffré dans la fournaise avignonnaise. Avec Le Sommet, le maître suisse Christoph Marthaler, 73 ans, a offert au festival, où il n’était pas revenu depuis 2013, une merveille de spectacle, où son sens de l’absurde aérien le dispute à l’acuité politique sur les temps de désagrégation que nous vivons. Un cadeau.
Alors, d’abord le décor. Un chalet en bois qui semble construit directement sur la roche de la montagne, puisque celle-ci affleure à même le plancher. L’endroit est tellement perché que l’on n’y accède que par un monte-charge, qui recrache en premier lieu une copie de La Joconde ainsi que divers objets tout aussi inattendus, déclenchant l’hilarité générale. Avant de laisser la place à un petit groupe d’humains, arrivant un par un, trois femmes, trois hommes.
Chapeaux à plumes, gilets en laine jacquard, culottes de peau tyroliennes et chaussures de randonnée, il semblerait bien que l’on soit dans les Alpes bavaroises – peut-être suivez-vous notre regard, déjà. Que viennent-ils faire là, ces humains qui parlent en français, en italien, en anglais (d’Ecosse), en allemand et même dans un dialecte autrichien aux accents archaïques ? S’agit-il là d’un de ces sommets entre grands de ce monde, réunis discrètement en lieu sûr (en apparence, du moins, comme on le verra plus tard) ?
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