
Samedi 20 septembre, Julia Ducournau, lauréate de la Palme d’or à Cannes en 2021 pour son film Titane, a rencontré les festivaliers sur le parvis du journal Le Monde. Un moment rare car la cinéaste a un agenda chargé – entre une série produite par le studio indépendant américain A24 qui doit se tourner aux Etats-Unis et la préparation d’un long-métrage.
Le cœur de l’échange avec le public du Festival a tourné autour du corps humain. Souvent qualifiés de choquants, voire de « gores », les films de Julia Ducourneau mettent en scène des histoires intimement liées à la chair. Le cannibalisme dans Grave (2016), la maternité et la transidentité dans Titane (2021) et, plus dernièrement, la maladie dans Alpha, son dernier long-métrage, en salles depuis le 20 août.
Parler du corps est inscrit dans les gènes de Julia Ducournau. Fille d’un dermatologue et d’une gynécologue, elle avoue que le métier de ses parents a eu « un impact indéniable sur [sa] façon de percevoir les corps ». Cependant, pour celle qui était membre du jury du Festival de Cannes en 2023, sa façon crue de filmer les corps n’est pas destinée à heurter les spectateurs. « Je pense que pour créer l’empathie avec un personnage, il faut regarder et montrer le corps avec amour », se défend la cinéaste.
« Nos aspérités, nos défauts »
« Le corps est une matière que l’on partage tous, c’est un endroit de communion et de liberté », poursuit Julia Ducournau. Pas question, donc, de montrer une version édulcorée de l’anatomie humaine. « Ce que je veux reproduire, ce sont nos aspérités, nos défauts, ceux que l’on voit quand on se regarde dans le miroir. Maquiller mes acteurs serait, pour moi, une aberration », explique-t-elle.
Regarder un film de Julia Ducournau, c’est souvent faire corps avec le personnage. Pour favoriser cela, la réalisatrice aime renforcer des détails sonores ou visuels. Comme cette séance d’épilation crûment filmée dans Grave, où la caméra se concentre sur l’épiderme de l’actrice, ou le bruit sourd amplifié du crâne d’Alpha, personnage du film éponyme, qui heurte un rebord de piscine. Tout est fait pour renforcer le réalisme. « Si vous êtes maintenu à l’extérieur, simples témoins de ces scènes-là, vous ne ressentez pas le vécu du personnage, estime Julia Ducournau. Je me mets à la hauteur de mon personnage et je fais rentrer les spectateurs dans son corps. Ils peuvent ainsi s’identifier en y retrouvant des sensations similaires. »
Parmi ses grandes inspirations, Julia Ducournau cite le réalisateur canadien David Cronenberg (à qui l’on doit La Mouche ou Crash), et le cinéaste italien Pier Paolo Pasolini (Salò ou les 120 Journées de Sodome). Des cinéastes qu’elle découvre à l’adolescence « un âge où l’on est poreux et souvent en recherche de dialogue », se rappelle-t-elle.
Catharsis
Son dernier opus, Alpha, met en lumière le personnage de « Maman », une médecin dévouée à lutter contre une maladie fictive, inspirée par l’épidémie de sida dans les années 1980 et 1990. Dans le public justement, une jeune femme, étudiante en médecine, interroge la cinéaste : « Avez-vous déjà pensé à l’effet cathartique que peuvent créer ces images ? » Julia Ducournau opine d’emblée.
Cette catharsis, elle y croit même sur elle : « Je crois énormément au pouvoir des images dures, aberrantes. Je crois à l’électrochoc que ça peut provoquer. Quand je m’engage sur un film, c’est quelque chose de viscéral, qui vient des tripes. »
Cet événement se déroule dans le cadre du Festival du Monde, qui a pour partenaires Axa, partenaire principal, l’Agence de la transition écologique, Leboncoin, Spotify, Vins de Bordeaux et le soutien de la mairie du 13e arrondissement de Paris, de la Paris Design Week et de l’Institut français de la mode. Pour y participer, suivez ce lien.