Des amis et sympathisants d’Ibtissame Lachgar, jugée pour « atteinte à l’islam », au tribunal de Rabat, avant l’audience d’appel relative à sa demande de libération sous caution, le 3 septembre 2025.

Un tribunal de Rabat a confirmé en appel, lundi 6 octobre, une peine de deux ans et demi de prison prononcée en première instance contre la militante féministe marocaine Ibtissame Lachgar pour « atteinte à l’islam ».

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La militante de 50 ans, connue pour son engagement en faveur des libertés individuelles, avait été arrêtée cet été après avoir publié sur les réseaux sociaux une photo d’elle vêtue d’un tee-shirt où apparaissait le mot « Allah » suivi de la phrase « is lesbian » (« est lesbienne »). L’image était accompagnée d’un texte qualifiant l’islam, « comme toute idéologie religieuse », de « fasciste, phallocrate et misogyne ».

Dans la salle d’audience, Sihar Lachgar, une des sœurs de la militante, a éclaté en sanglots à l’énoncé du verdict.

Sa défense va formuler une demande d’aménagement pour transformer la peine de prison en peine de substitution, ainsi qu’un pourvoi en cassation, a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) à la sortie de la salle l’une de ses avocates, Me Ghizlane Mamouni.

« C’est un jour noir pour la liberté au Maroc », a poursuivi avec beaucoup d’émotion l’avocate, qualifiant la décision du tribunal de « désastre ». Pendant l’audience à laquelle l’AFP a assisté, elle avait plaidé pour que Mme Lachgar soit innocentée, ou que soit au moins prononcée une peine de substitution (bracelet électronique, travail d’intérêt général…) afin qu’elle puisse se soigner.

En rémission d’un cancer, la militante est apparue à l’audience affaiblie et portant une attelle au bras gauche. Son avocate a souligné que son état risquait de s’aggraver en détention.

« On ne comprend pas pourquoi elle ne bénéficie pas de peines [de substitution]. Elle y est parfaitement éligible. Elle n’a commis aucun crime dangereux et n’est pas dangereuse pour la société. Elle n’a fait que s’exprimer », a soutenu Me Mamouni.

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La publication de « Betty » Lachgar avait suscité de vives réactions sur Internet, dont des appels à son arrestation, mais aussi des menaces de viol et de lapidation.

Une condamnation qui interroge la liberté d’expression

Lors de l’audience, le représentant du parquet a réclamé un alourdissement de la peine prononcée en première instance, le 3 septembre, parlant d’« atteinte à l’ordre public et à la quiétude spirituelle des Marocains ».

Outre la peine de prison, Mme Lachgar a aussi été condamnée à une amende d’environ 5 000 euros pour « atteinte à la religion islamique » pour cette publication jugée « offensante envers Dieu ».

L’article 267-5 du code pénal marocain punit de six mois à deux ans de prison ferme « quiconque porte atteinte à la religion musulmane ». Une peine pouvant être portée à cinq ans si l’infraction est commise en public, « y compris par voie électronique ».

« Elle a exprimé une opinion, on peut être d’accord avec elle ou non », mais « cette lourde condamnation » porte « atteinte à sa liberté d’expression », a déclaré à l’AFP à la sortie de la salle d’audience le président de la section de Rabat de l’association marocaine des droits humains, Hakim Sikouk.

La militante défend son engagement et son état de santé

Avant que le tribunal ne se retire pour délibérer, la militante a réaffirmé à la barre son innocence, niant toute intention de porter atteinte à la religion. Cette psychologue clinicienne a aussi rappelé que son tee-shirt reprenait un slogan féministe existant depuis des années contre le sexisme et les violences faites aux femmes.

Mme Lachgar avait aussi mis en avant son état de santé et le fait qu’elle doive se faire opérer au bras, au risque sinon de devoir se faire amputer.

L’organisation Human Rights Watch avait réclamé, à la mi-septembre, l’annulation de sa peine, qualifiant le jugement de « coup dur à la liberté d’expression au Maroc ».

Mme Lachgar a cofondé en 2009 le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles et mené plusieurs campagnes médiatisées, notamment contre les violences faites aux femmes et la pédocriminalité.

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Le Monde avec AFP

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